J'étais déjà conquis de longue date par la musique de Kery, ses débuts au théâtre sont tout aussi
À ceux qui craindraient un débat tissé d’arguments ennuyeux, une farandole de clichés, une guirlande de faits faciles à manipuler, d’exemples démagogiques offerts par l’actualité et si facilement mis en exergue par les médias, il n’en est rien, absolument rien. À Vif est tellement brillant, tellement percutant, tellement fascinant – et tant d’autres adjectifs en « -ant » – que l’on se retrouve littéralement déchiré entre les deux démonstrations. Bien sûr, notre âme de spectateur, habituée à la compassion à laquelle nous invitent sans cesse les médias, a très envie de soutenir corps et âme la thèse la plus « évidente » à nos yeux, celle selon laquelle l’État est responsable de la crise des banlieues. Il en serait presque agaçant d’arrogance ce gosse des cités qui vient presque nous convaincre que nous avons tort tant son argumentation est juste et tape fort.
C’est bien là le coup de force du texte de Kery James : il défend réellement les deux affirmations, règle leur sort aux facilités même quand elles sont étayées de chiffres. Le plus marquant : en 2012, l’académie de Paris a gagné 1000 élèves et obtenu 20 créations de postes ; l’académie de Créteil a gagné presque 4000 élèves et perdu plus de 400 postes. Bien sûr que les chiffres sont édifiants, mais la pièce nous montre qu’ils ne doivent pas masquer une réalité beaucoup plus complexe.
Si la lutte oratoire est passionnée et passionnante, c’est qu’À Vif nous donne à voir deux France qui n’ont pas l’habitude de se rencontrer. Chacun des personnages le sent bien et tente par conséquent d’échapper aux clichés qui sont associés à son milieu respectif : la cuillère en argent contre l’adversité, la vie aisée contre la précarité, les facilités contre les barrières, l’évidence contre le plafond de verre.