Affliction
7.3
Affliction

livre de Russell Banks (1989)

Dans ce roman de Russell Banks, il y a deux personnages principaux. Le premier s'appelle Lawford, et le second Wade Whitehouse.
Lawford, c'est le patelin du New Hampshire où se déroule l'immense majorité du roman. Et ici, côté trou perdu, on a un champion toute catégorie. Paumé dans les montagnes au milieu d'une forêt infinie, enfermé dans un hiver qui va de novembre à mai (le narrateur affirme qu'en juin, on trouve encore de la neige par endroit), voici un de ces lieux où Le rêve Américain semble ne pas exister. Tout le monde n'a qu'un rêve : partir d'ici. Aller ailleurs; même pas loin, on s'en moque, tant que c'est ailleurs. Ici, il n'y a aucune perspective de carrière. Ici, aucun envol possible. Ici, vous avez droit à une existence, mais pas une vie.
Le lieu principal ? le bar.
Le personnage principal ? Gordon LaRiviere, tout puissant entrepreneur (il fore des puits), dirigeant du conseil municipal, il semble être partout. c'est le grand capitaliste local, et tout le village paraît lui appartenir.
L'activité principale ? A part boire de l'alcool et battre sa femme, il semblerait que ce soit la chasse aux cerfs. Une chasse qui est décrite avec force détails sur le regard du cerf massacré. Des pages qui m'ont fait penser au roman de Mailer, Pourquoi sommes-nous au Viet-Nam ?

Wade Whitehouse est le produit typique de ce genre de lieu. unique policier local, il semble avoir tout fait pour mener une vie de minable. Alcoolique, violent, divorcé, paumé, il paraît toujours à côté de toutes les plaques possibles et imaginables. Tout ce qu'il entreprend foire lamentablement. Il est tellement à l'image du village de Lawford qu'il est le seul personnage qui ne veuille pas en partir.
C'est comme si Wade avait méticuleusement fait tout ce qu'il faut pour rater sa vie. Ainsi, il a demandé à partir au Viet-Nam, pensant que cela sauverait son couple (???). Alors qu'il aurait pu rentrer haut la main dans la police d'Etat, il a préféré rester un minable petit flic de village dont la principale responsabilité est de faire traverser les enfants qui vont à l'école. Comme un oiseau qui aurait passé sa vie à se ronger les ailes pour ne pas prendre son envol.
Et qui passe son temps à regretter les mauvais choix qu'il a pu faire. Wade est un mec dévoré par la rancœur. D'abord envers lui-même, d'avoir à ce point raté sa vie. Mais, inévitablement, ça se tourne envers les autres. Envers son ex-femme, qui l'empêche de voir sa fille à sa guise. Envers Gordon LaRiviere, parce qu'il est trop puissant. Envers la police d’État, envers son avocat, envers toute l'humanité.


On l'aura compris, Affliction est une destruction en règle du mythe américain et de la sacro-sainte virilité de l'homo americanus. USA, le pays où tout est possible ? Non, car les dès sont pipés. Quand on est un homme comme Wade, quelle chance pouvons-nous avoir ?
Car Wade n'est pas dénué de talents ni de qualités. Il peut être très sensible et il semble doté d'un certain instinct. Mais tout est étouffé depuis si longtemps par un contexte socio-familial tellement lourd qu'il empêche le développement de toute potentialité.
Roman à l'ambiance lourde, Affliction est une immense description de 500 pages. Le rythme est très lent et le narrateur (qui est le frère de Wade) n'hésite pas à faire de nombreuses digressions. Et c'est là le défaut majeur du livre. Il est horriblement lent à démarrer, au point que je me suis même demandé si je n'allais pas abandonner. Finalement, l'action débute au bout de 150 pages environ et progresse très lentement. En commençant le roman, je me doutais bien que ce ne serait pas un roman d'action, mais de là à avoir ça...
De plus, le roman est encombré par beaucoup de pages dont l'utilité me paraît douteuse. Certes, le narrateur est un professeur d'histoire, mais de là à nous raconter le peuplement de la région à l'ère glaciaire, il y avait une marge, quand même.
Et puis, ce qui n'arrange rien, j'ai des doutes en ce qui concerne la traduction. Certaines phrases me paraissent vraiment tordues, voire incorrectes.
Finalement, un roman sombre, désespéré, déprimant, parfois ennuyeux, mais qui conserve de très belles pages et le portrait inoubliable d'un homme en pleine déchéance.

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le 17 avr. 2014

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SanFelice

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