Le titre de mon commentaire correspond aussi bien à la lecture qu'on en fait qu'au sentiment que renvoie à mon sens ce livre une fois achevé. On le croque en quelques heures, et on n'a pas l'impression que Sagan ait consacré bien plus de temps à son écriture. Ce n'est pas une lecture désagréable, cependant, tout à fait de celles que je pouvais rechercher pour un week-end d'été après avoir enfin achevé un ouvrage bien plus ample, bien plus intellectuel.


Commençons par le style : correct... parfois - et c'est tout - élégant. Il donne déjà ce sentiment de détachement qui traverse toute l'oeuvre, les personnages et leur comportement comme les événements racontés. On comprend vite où Sagan veut en venir : à travers cette femme mûre et ce jeune homme, il s'agit de confronter deux vies dépassionnées, l'une - à 39 ans seulement - déjà résignée, déjà dépassée par le temps qui passe et la condamne, l'autre prématurément lassée, de cette lassitude feinte, lascive et exaspérante qu'ont les jeunes hommes "trop beaux", prétendument négligés. Prenant le parti de soigner le mal par le mal, Sagan ne sort pas de leur petit monde ces archétypes de la bourgeoisie désabusée ; c'est à une passion asymétrique mais encore terriblement bourgeoise - en témoigne le titre du livre - qu'elle les fait succomber, à un plaisir interdit qui a ce goût d'aventure dont peuvent rêver les jeunes filles rangées et qui, invariablement, les pousse à questionner leurs choix passés. La suite, jusqu'à la décision finale, n'est, comme il fallait le supposer, qu'un long atermoiement.


Tout le monde est beau, à grands renforts de subterfuges, mais personne n'en a conscience, chez Sagan. On vit dans un monde où le désir se réprime, s'intellectualise, s'exprime en termes convenus : on se soumet aux convenances au point de se confondre en elles pour devenir un stéréotype. C'est un monde où l'argent peut être un souci, certes, mais qui effleure l'esprit puis se volatilise à coups de rendez-vous, où l'on décore des intérieurs, où l'on loue son goût à moins inventif que soi. Les clichés se suivent et se ressemblent : Paula est donc décoratrice d'intérieur, Roger gère de grosses affaires, et Paula se sent bien dans les bras de cet homme protecteur et finalement jaloux, qui ne se gêne pourtant pas pour voir ailleurs ; Paula se soumet, en somme, et c'est assez exaspérant pour qu'on se prenne parfois à vouloir la secouer par les épaules, pour lui remettre les idées en place. On se doute bien que tout cela est voulu par l'auteur, qu'il s'agit de souligner le carcan d'une forme d'étiquette moderne propre à la bourgeoisie superficiellement émancipée, rattrapée par sa condition et relativisant finalement tout car, après tout, le temps passe et emporte tout. Ça n'est pas inintéressant, donc, mais cela ne va pas bien au-delà de ce témoignage social, de cette bribe de vie qui se referme bien vite comme elle a commencé : résignée.


Dégoté par hasard, ce livre était l'occasion de découvrir Sagan. Je ne suis ni emballé, ni rebuté ; je n'en garderai pas un souvenir impérissable. S'il dresse un témoignage d'une acuité évidente du petit monde qu'il aborde, il ne le dépasse par contre pas. Il constitue en fait un paradoxe, livrant une description mordante de la bourgeoisie, mais que l'on appréciera pleinement qu'à condition d'en faire partie et de se passionner pour de telles histoires de cœur. Pour le commun des mortels, le thème paraît un peu léger pour lui dédier à la fois si peu et autant de pages : si peu, parce qu'avec un déchirement plus violent, une tentation plus révolutionnaire, Sagan aurait pu écrire beaucoup ; autant, parce qu'en l'état, le manque d'ambition de ce livre essouffle son propos - à tel point que, finalement, la décision finale de Paula importe peu : quelle qu'elle soit, elle ne serait pas, ou plus, si subversive.

DavidErdreich
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le 26 oct. 2015

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