Oui, réguler un sport de rue peut paraître moins important qu'empêcher la fin du monde ou une guerre civile, oui, l'intensité est parfois un peu artificielle, oui, ce n'est pas une grosse pointure comme Vimaire ou mémé Ciredutemps qui mène la danse à gros coup d'égo vertueux et buté. Difficile de ne pas être pris de vagues craintes au début de ce roman. Et si ça ne marchait pas ? Et si Pratchett se plantait,cette fois ?
J'aime bien quand on me montre que j'ai tort avec autant d'éclat. Pratchett fait ici un retour aux sources comiques de sa série, quand le Disque Monde n'était qu'un pastiche de fantasy. Mais l'auteur a mûri, son univers s'est étendu. Fort de ses thèmes de prédilections et de son armée de personnages récurrents, il place des événements pas si grave dans le contexte de la révolution industrielle et culturelle de l'odorante et désormais célèbre cité d'Ankh Morpork. Et pour notre plus grand plaisir, il en sort évidemment n'importe quoi. Dans le désordre, on y trouvera :

- Un monde qui change : Vétérini réussit à réglementer le sport le plus violent et par conséquent le plus populaire d'Ankh-Morpork. Ce qui revient à faire accepter l'idée qu'arracher la gorge de son adversaire avec ses crampons mérite au moins des excuses. Encore une belle victoire pour l'humanisme.
- Du glamour : les nains organisent des défilés de femmes à barbes postiches pour vanter la douceur de leur nouvelles cottes de mailles de luxe.
- De la romance : avec des tourtes.
- Des luttes pour le pouvoir : Non seulement le doyen de l'université est devenu l'archichancelier d'une académie, mais en plus, à force de s'entendre adresser la phrase « ¨Pourriez vous occupez de cela quand vous aurez le temps ? Bravo. », Cogite Stibon est finalement devenu responsable de plus de services que quiconque dans la faculté. L'archichancelier Mustrum Ridculle réagira avec son flegme, ses éclats de voix et son arbalète habituels.
- De l'héroïsme : Rincevent réussit un magnifique but lorsque la balle rebondit sur l'arrière de son crâne tandis qu'il fuyait le terrain.
- Du patriotisme : l'inénarrable hymne Morporkien, le seul à évoquer la fuite des hippopotames, les rots des dragons, et à menacer les ennemis de racheter leurs armes à moitié prix.
- La lutte du bien contre le mal : le terrible professeur Pexor, nécromancien embauché par l'université pour faire office de méchant de service à bague tête de mort. Chargé de ne pas être digne de confiance sauf en cas d'urgence. Emmêle les lacets des chaussures et glisse des billets pour des spectacles de théâtres amateurs dans la poche des gens. J'en frémis.
- Du manque de pot : Trévor Probable, meilleur jeu de jambe de sa génération, l'a hélas surtout appliqué sur une innocente boite de conserve, le rendant incapable de faire quoi que ce soit de correct avec un objet plus sphérique ou plus ballonesque.
- De l'incongru : l'antagoniste psychopathe s'appelle Andy ( Dédé ) Jarret.
- Du scandale : le patricien Vétérini tellement saoul qu'il met plus de deux minutes à finir ses mots croisés !
- Une morale : Même si vous êtes issus d'une race spécialement crée pour arracher la tête des gens, vous pourrez toujours obtenir l'amour, la reconnaissance et une bonne éducation si vous êtes méritants et que vous jouez au foule-ta-balle. Méditez cette leçon.

Galerie délirante et jouissive, parfaite illustration d'un univers devenu presque auto-suffisant, c'est le genre d'interlude que j'accueillerai toujours avec autant de plaisir que le Bibliothécaire accueille une banane. Pratchett marque, et il n'y a que des gagnants.
Kevan
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le 22 mars 2014

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Kevan

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