Alone contre Alone par Nébal
En 2009, vu que Gaza et Sarko, la logique veut que l'on parle de plus en plus de post-apocalyptique. Et ça tombe bien : je viens tout récemment de lire Alone contre Alone, l'épisode ultime de la saga de Thomas Géha en hommage à La Terre sauvage de Julia Verlanger. Avec des vrais morceaux de France dévastée écumée par de valeureux guerriers solitaires dedans.
Après le sympathique mais encore un peu « amateur » A comme Alone (et la nouvelle « L'Ère du Tambalacoque » – mais peut-être vaut-il mieux la lire après Alone contre Alone, ainsi que je l'ai fait ?), c'est avec plaisir que nous retrouvons notre hexagone ravagé, ses Rasses infréquentables et ses fiers Alones tels Pépé et Grise. Au tout début du roman, ceux-ci et leurs potes se la coulent douce sur une île où – mirac' ! – ils ne manquent de rien, et personne ne vient les faire suer. Ce qui ne peut évidemment pas durer : une bande de tueurs finit par débarquer pour leur chercher des noises. Or ce commando ne s'en est pas pris à eux par hasard : il y a de la vengeance dans l'air, le sieur Argento n'ayant pas apprécié que Pépé se taille avec sa Grise à la fin de l'épisode précédent... en le laissant pour mort.
Impossible, dès lors, de rester sur l'île. Mais Pépé et Grise n'entendent pas davantage faire peser cette menace toute personnelle sur les épaules de leurs amis Gaby et Flo, et le petit groupe doit donc se séparer. Mais, pour les Alones, ce n'est que le début d'une complexe aventure riche en mauvaises (et parfois moins mauvaises) rencontres, dont, entre autres, des pirates, des archéologues, des lapins qui parlent, des ninjas matrixeux et des arbres mégalomanes. Avec à la clef un épique duel Alone contre Alone, déterminant pour l'avenir de l'humanité. Rien que ça.
Effectivement, si Alone contre Alone a gardé bien des aspects de son prédécesseur, et notamment un certain côté picaresque parfaitement approprié mais qui le rend difficilement résumable, sa plus grande ambition ne fait très vite aucun doute. À vrai dire, à ce stade, ça pète même les yeux... Certes, il ne s'agit une fois de plus « que » d'un roman se voulant simplement (simplement !?) divertissant, mais l'auteur a indéniablement gagné en métier. Les hésitations et maladresses notamment stylistiques d'A comme Alone sont largement de l'histoire ancienne (on peut bien renacler ici ou là, mais c'est dans l'ensemble très honnête, et en tout cas bien meilleur), le ton est autrement plus assuré, et les idées sont davantage canalisées, certaines valant franchement le détour (les Arkéos, le Tambalacoque...).
Mais, pour autant, Alone contre Alone n'a heureusement en rien perdu de la fraîcheur et de la spontanéité jubilatoire d'A comme Alone. Et c'est du coup avec plaisir que l'on se replonge dans cet univers « à la Verlanger », guère original, certes, mais néanmoins fort bien campé, avec ce qu'il faut de bruit et de fureur à chaque page. D'autant que ce court roman, de même que le premier, bénéficie d'un atout de taille qui le rend encore plus sympathique : il sait ne pas trop se prendre au sérieux. En témoigne assez son héros Pépé, tantôt brute épaisse survirile, tantôt loser sympathique et gentiment couillon...
Et cette fois encore, mais avec infiniment plus d'adresse, Thomas Géha profite de son excursion post-apocalyptique pour multiplier gags savoureux et références parfois improbables, clichés énormes et clins d'œil plus ou moins hermétiques. Le roman, qui pioche allègrement dans tout ce que la culture populaire peut nous offrir de plus réjouissant, est ainsi placé sous le double signe de l'humour et de la simplicité, ce qui ne le rend que plus rafraîchissant et efficace.
Bon, évidemment, il n'est pas question ici de « GrrrrrrrraaaAAAaaande Litthérathure » : Alone contre Alone est un beau morceau de SF populaire, un roman de gare bref et intense, qui ne vise qu'à donner au lecteur quelques heures de plaisir un brin régressif. Mais il y arrive parfaitement. Alors que demande le peuple ?
« Une suite ? »
Ben, a priori, c'est mort. Et sans doute vaut-il mieux, effectivement, éviter de pousser le bouchon trop loin...
Maintenant, que ce soit dans ce registre ou un autre, j'espère que Thomas Géha nous prépare d'autres bonnes choses. Parce que ces deux petits romans, avec leurs défauts, m'ont bel et bien satisfait. Si la progression de l'auteur, d'ici à la prochaine parution, se fait aussi sensible qu'entre ces deux premiers volumes, m'étonnerait pas qu'on tienne là quelque chose de franchement intéressant...