J'adore Kessel, même avant d'avoir lu mon premier livre de lui, Fortune carrée. Non, je l'adore depuis que j'ai entendu la première fois le Chant des partisans, "ami entends-tu le vol noir des corbeaux sur la plaine?", etc, même si je ne savais pas que c'était de lui.

Je pensais à l'origine que ce livre, par son titre, évoquerait la genèse de cette chanson. Et je voulais me le garder pour la fin, histoire de boucler ma saga Kessel par le commencement. Sauf qu'il y a toujours un jour où on n'a strictement rien d'autre à lire dans sa bibliothèque (les livres de science et les traités pompeux d'histoire, ça va bien deux minutes, et les bédés, ça rentre pas dans la poche d'un manteau).

Le livre, hormis pour son titre et l'avant-propos de Maurice Druon, co-auteur du Chant des partisans et neveu de Kessel, bien peu de chose à voir avec celle qui fait partie de mes chansons préférées. Il s'agit en fait d'une succession d'anecdotes qui n'avaient certainement pas matière, ni lieu à un livre complet. Et là tout s'enchaîne. On a l'impression d'être à une table de bistro avec un pote qui raconte ses dernières aventures, ses rencontres. C'est tout le truc du livre: on est là, on vit le récit aussi (comme toujours avec Kessel) et on en arrive presque à s'imaginer rapporter ces anecdotes à d'autres amis, en commençant par "j'ai un pote, tu sais ce qu'il a fait ce con?"

"Ce con" ouais, parce qu'il n'est pas tout à fait question de ces grands voyages kesseliens à travers des pampas formidables, à rencontrer les derniers guerriers de ces terres. Non, c'est plutôt alcool, bagarre, biture, danse tzigane infernale, tout le cortège des conneries que l'on qualifierait "de jeunesse", et pour finir, ses mémoires de guerre. Un sacré portrait de destructuration d'un mythe, enfin, seulement si on a évité certains de ses autobiographies comme les Temps sauvages ou Dames de Californie qui y balancent quand même une belle volée de plomb!

Mais il y a toujours les personnages hauts en couleur: un ancien boxeur devenu donneur de tuyau pour les courses; le conseiller aux affaires étrangères de l'Imam du Yémen qui a une façon bien à lui de forcer les choses à rester secrètes; Humphrey Bogard complètement sec; une famille de Russes tziganes immigrés à Paris après la guerre civile. Ils vivent, ils sont là et impressionnants, en quelques pages ils marquent à vie.

Je recommande ce livre parce qu'il y a tout. Il y a le mythe Kessel, dans ses aventures que l'on pourrait considérer comme "habituelles" (quoi de plus habituel que de lire de sa main la traversée de l'Espagne franquiste pour rejoindre de Gaulle à Londres?). Mais il y a surtout l'homme Kessel, l'humain de base, celui qui a mal à la tête le lendemain parce qu'il a passé sa nuit à boire comme un trou (c'est pas sa faute! c'est celle des Tziganes!) ou qui se fait berner par la flatterie d'un intervieweur anglais, tout comme Maître Corbeau. J'adore ce type.
aubustou
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le 4 mars 2014

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