Un énorme coup de cœur pour ce livre et son univers si particulier.
On est sur la planète Arbre en 3689 et ce monde peut sembler à la fois totalement différent de notre monde et d’autres univers SF, mais aussi étrangement familier avec ses correspondances troublantes avec d’antiques civilisations terrestres ou avec des notions théoriques ou religieuses réacclimatées.
Ce n’est pas un livre facile.
Déjà il ne faut pas lire la quatrième de couverture qui spoile le dernier tiers du livre et donc nous fait attendre quelque chose qui arrivera très tard ce qui nous empêche d’apprécier - et bien, tout le début du livre !
Après il faut accepter de se perdre, de ne quasiment rien comprendre pendant les 30 premières pages (ou pire se risquer à lire la chronologie qui précède le premier chapitre…). Ce n’est pas seulement les enjeux que l’on ne saisit pas mais les mots (Erasmas est fraâ dans une concente ; Tout en évitant les tics, il doit aller à une auction de proveneur.), et il y en a beaucoup … Et même les plus simple comme Livre ne sont pas ce qu’ils semblent à première vue…A cela s’ajoute les noms propres –pas des personnages du récit- mais de savants issus de 6000 ans de recherches métaphysiques, mathématiques, scientifiques et philosophiques qui ont donné leur nom à divers courants d’idées…
Et pourtant, au final on y arrive (et relativement vite, oui, oui…) grâce au contexte (et aussi au fait que chaque chapitre est précédé d’un mot du dictionnaire arbrien… pas toujours celui qu’on voudrait, mais bon …) et peu à peu le monde d’Arbre et de ses concentes nous devient familier (et passionnant !).
Difficile de faire un résumé dans ces conditions, le monde et son langage étant étroitement imbriqués. Donc, essayons !, Sur Arbre il y a presque 3000 ans des événements horrifiques dont on ne sait presque rien ont conduit à la séparation des chercheurs/penseurs du reste du monde…Dans une de ces communautés totalement isolées du reste du monde, nous suivons un jeune un jeune chercheur et ses acolytes dans son étude de la Théorique (science, physique, math, philosophie et métaphysique) peu avant l’apperte (ouverture au monde de la communauté) évènement qui a lieu tous les 10 ans et dure 10 jours…
On pourrait se croire dans le Nom de la Rose où les moines auraient été remplacés par des savants. On cherche à comprendre pourquoi il est aussi indispensable qu’ils soient maintenus dans l’ignorance totale du monde qui les entoure et on se finit par les prendre pour des sortes de religieux. Mais Arbre a aussi ses religions qui elles sont dans le monde...
Le récit nous plonge dans la découverte de ce monde isolé et théorique (c’est-à-dire tout ce qui forge la pensée et la conscience du monde) en parallèle d’un vrai roman d’aventure au présent. Et c’est ce mélange de théorie avec de nombreux dialogues (de type Platon/Socrate) et de roman d’apprentissage (les héros sont très jeunes et se découvrent eux même) qui fait toute la saveur d’Anatem.
Mais juste quand on commence à comprendre (un peu !) le fonctionnement de ces communautés, quelque chose se passe et c’est toute la planète que nous allons découvrir.
Mais comme tout bon livre de SF, c’est aussi une étude de notre monde ou une curieuse uchronie avec comme point de divergence les « évènements horrifiques » qui ont conduit à ne plus pouvoir créer/ penser qu’enfermé.
Évidemment, je vais me jeter sur le tome 2 et je vous conseille très fortement Anatèm car que l’on sache ou pas à quel mouvement philosophique se réfèrent toutes ces théories en débat, le monde et l’histoire (dont les discussions/digressions font partie) sont résolument originaux et bien construits avec différents niveaux qui se relient sans que cela ne soit jamais artificiel, car après tout on suit fraâ Erasmas dans son cheminement (intellectuel et aussi très physique !).