Ode aux aidants. Du Florian Zeller sur Alzheimer avant l'heure? Chéri

Léo Bardon raconte ses années partagées avec Annie Girardot.

_"Ah non! Moi, je ne tire sur personne ! Je n'ai jamais tué personne dans aucun film, ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer..." ( Annie Girardot écoutant scénarios lus par Léo Bardon)

_"La rancune et l'hypocrisie lui sont étrangères" (Léo Bardon)

_"C'est progressivement que je mesure l'ampleur d'Annie, sa lumière, sa force, et que j'en identifie la source. L'amour. Aimer. Le verbe d'Annie, celui qu'elle emploie le plus, le seul peut-être qui ait ce goût suave, dans sa bouche. Un seul verbe pour toute une palette de sentiments. Il y a d'aimer d'amour, aimer d'amitié, aimer de Passion."

Léo Bardon est un acteur Breton qui a suivi les cours Simon (surnommé "de Funès numéro 2" par une des profs).

Comme dans 'Chérie' de Stephen Frears adapté de Colette, il tombe 'amoureux' et aidant de la star Annie Girardot et c'est réciproque selon de nombreux témoignages dont ceux du doc de Nicolas Beaulieu en 2008, 'Annie, ainsi va la vie'. D'autres personnes l'aident aussi.

Pourtant Patrick Sébastien aurait longtemps été suspicieux et ne fera jamais se sentir bien accueilli ce Léo Bardon? Par exemple, lors de vacances où Sébastien a invité Annie.

Notre Patrick Sébastien semble mieux accepter la différence d'âge et être moins inquisitoire quand c'est la fille qui est plus jeune?...

Je n'ai pas aimé , si c'est vrai, que Sébastien pointe du doigt devant tout le monde en vacances ce Bardon et se demande "qui c'est celui-là?".

Bardon et Girardot se sont d'abord croisés sur des téléfilms si j'ai bien compris.

Puis il a été son chauffeur envoyé par la production: leur première vraie rencontre et échange. Et c'est pour lui ordonner de prendre un sens interdit! ^^ Ce qu'il refuse. Joli symbole de leur relation aux yeux de la société. Elle se plaindra pas de lui et son refus:

..."La rancune et l'hypocrisie lui sont étrangères".

Il a d'abord habité occasionnellement chez son amie, la fille d'Annie: Giulia Salvatori et ses deux enfants Lola et Renato. Giulia lui aurait demandé d'aider sa mère pour l'appartement: arroser, courses etc. Et finalement, Annie lui redemandera encore et encore "de rester". ll devient , il est devenu: "le bras droit"; quasi littéralement si j'ai bien compris.

Les premiers symptômes de son désormais connu Alzheimer ont été de confondre un petit stylo avec sa cigarette (les yeux furent d'abord remis en question) mais ensuite il y eu les répétitions et obsessions. Passionnante partie du texte qui me fait m'inquiéter à mon sujet et celui de proches: si la répétition est un avant signe avant coureur de la maladie d'Alzheimer...aïe aïe aïe

Quand on lit le nombre de rendez vous que prend ce Léo Bardon avec différents docteurs notamment à Lyon et le nombre auxquels il se rend avec l'actrice, les soupçons à son égard se lèvent vite (tout à fait légitimes peut-être au début puisqu' Annie est souvent tombée sur des gens pas gentils).

Tous les aidants reconnaitront le chemin classique d'aidant.

Un épisode plutôt marrant visuellement est lorsque malade (crise d'arthrose), elle doit voir leur copain docteur d'urgence mais il est alors de garde ...en prison. Où ils se rendent.

Il y a quelques autres scènes qu'on verrait bien dans un film: Annie va a un spectacle de son amie Muriel Robin or elle joue justement à un moment une fille qui parle à sa mère atteint aussi d'Alzheimer. C'est ce soir là que pour la première fois, le secret de la maladie de l'actrice aurait été partagé en coulisses, dans une scène très forte entre l'aidant et l'artiste ayant connu le même rôle.

Les détails sur l'évolution de la maladie ne sont pas TABLOïD ou crapoteux du tout: ce sera utile à tous...par exemple, Annie, si généreuse, obsède pendant des mois sur un doute d'avoir laissé un pourboire à un taxi.

Une fois la nouvelle de sa maladie répandue, elle aura du mal parfois à passer les fourches caudines de certaines assurances et docteur pour les tournages, OR sa maladie se cache chaque fois qu'elle joue! On l'entend souvent de la part des comédiens: un rhume, un mal de dos etc. disparaissent une fois sur scène...ici, c'est carrément la maladie d'Alzheimer qui se prend un uppercut par cette femme quand elle est sur scène ou en tournage.

DONC son entourage et ceux qui l'aiment se battent pour qu'elle tourne!

Tourner est une thérapie et elle est encore bonne. "Une fiction vitale" écrit l'auteur.

Par exemple, elle doit jouer une clocharde pour Jane Birkin dans une histoire vraie: Bardon a connu la vraie SDF en question (Boxes). Mais

"Jane Birkin ne sait pas qu' Annie Girardot tourne déjà dans sa propre fiction, qu'elle y joue le rôle d'une actrice en bonne santé." écrit et décrit si bien l'auteur. Là, la mise en image de ce Léo Bardon m'a fait penser à des fictions plus récentes qui ont montré comment les malades vivaient dans une réalité virtuelle qui leur sont propre ( The Father de Florian Zeller mais aussi Elizabeth is Missing d' Emma Healey).

Les récits de voyages vers des festivals ou des tournages sont gaguesques mais aussi stressants rien qu'à lire ...donc à vivre, ça doit être pire: le rôle d'aidant est épuisant même si très aimant, le puits peut un instant se tarir.

L'auteur rend hommage à Jean-Pierre Blanc qui retrouve Annie malade alors que lui-même est quasi mourant; elle a joué dans son premier film, La vieille fille avec Philippe Noiret.

Mais elle aura le temps de jouer et faire la voix off de son dernier film, un doc sur son cancer (que je n'ai pas trouvé).

Très souvent, l'auteur arrive à me faire entendre et visualiser Annie Girardot des films que j'ai aimés.

Notamment lors d'une n-ième cérémonie, cette fois pas de remise de prix pour elle à l'étranger mais un Gala contre le Sida où elle doit rencontrer une Princesse: on lui fait répéter le protocole, un "Bonjour Altesse" que ses proches alors de + en + en détresse, ont peur qu'elle oublie...et quand l'ex infante se présente, Annie l'accueille par:

"AAAhh te voilà , toi! Comme je suis contente de te voir" Et Annie embrasse la Princesse chaleureusement; elle l'avait connue enfant ^^ "Tout en spontanéité" (Léo Bardon)