Pas une apocalypse, mais...
Mon premier Despentes. Un cadeau de Noël... sous l'emballage, lu quelques pages, pas emballée. Et puis... prise par le rythme, finalement. Pas que l'histoire soit transcendante, ni que la plume de Virginie fasse particulièrement vibrer les cordes sensibles des âmes poètes... loin de là. Les quelques très rares passages partouzards ne choquent pas, raté. Et pourtant, un bon point, un très bon, même : le manège des focalisations multiples fonctionne. Assez simple pour qu'on puisse le remarquer sans se prêter à l'exercice de la dissertation (non, quand même, n'exagérons pas, il ne s'agit pas du prix Nobel), assez bien mené pour qu'on se laisse embarquer par cette enquête. Car l'intérêt ne réside ni dans le suspens, ni dans l'impatience de connaître la fin (qui est d'ailleurs plus métaphorique que policière). Non. L'intérêt est ailleurs, dans ce croisement des points de vue autour d'un même évènement. Chaque chapitre, ou regard, apporte une teinte nouvelle à cette histoire de disparition. Que Valentine ait disparu, comment, pourquoi... who cares ? Mais cette idée d'un narrateur interne et pourtant à côté de la plaque me semble originale. Tous les autres personnages en savent plus long qu'elle. Tout le monde sait où est Valentine. Mais Lucie, la seule qui possède véritablement une voix narrative et qui, par là même, nous guide à travers le récit, ne sait rien. Tous les autres personnages, dont les pensées sont exprimées par une voix à la troisième personne, se trouvent désincarnés alors même qu'ils sont porteurs de la vérité. A commencer par Valentine. Seules subsistent de leur chair romanesque des pensées intimes, des certitudes égoïstes, sans possibilité d'évolution, figées dans leur singularité. Même quand ils se rencontrent, ils restent hermétiques, coincés dans leur chapitre, enfermés dans leur intériorité. Mais chacun avec ses propres mots, ses propres limites existentielles, ses propres expériences d'une vie médiocre, dans les hautes sphères comme dans les basses. Tous en prennent pour leur grade, humains, trop humains. Si Despentes est subversive, ce n'est ni dans le sujet, ni dans le sexe révélé. Mais bien dans cette critique doucement violente d'une société, et même d'une humanité, limitée, fermée sur elle même, influençable, consumériste et égoïste. Impropre, jusqu'à la fin, à gagner sa liberté, à mener un vrai combat.
Apocalypse bébé, lui, est un vrai discours, simple, cru, sans apprêt... tristement réaliste. Là réside sa force tranquille et aussi, pour quelques lecteurs, sa beauté nue.
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