Après l'Empire par Bornerdogge
Un bon livre, équilibré, qui à bien des égards reste toujours d'actualité malgré son âge!
La liste des points positifs étant trop longue, je vais me restreindre aux quelques points qui m'ont un peu déçus:
- le fait qu'il considère l'action des US entre, disons, 1950 et 1980, comme "bénéfique" pour la démocracie et l'équilibre du Monde... Pardon??? Pour un européen, cela peut se discuter, mais allez dire ça à un Iranien, un Afghan, un Congolais, un Cubain (n'oublions pas que Castro ne s'est rallié à l'URSS qu'à cause du danger que représentait pour Cuba la présence des USA), un Cambodgien, un Vietnamien, un Guatémaltèque, un Chilien, un Indonésien, et j'en passe...
- la critique fort directe des "anti-américains primaires", dont... Chomsky. Ce dernier est sans doute anti-américain, mais "primaire" n'est absolument pas le mot que j'utiliserais pour décrire ses analyses. Il le dit lui-même: il veut prinpalement critiquer les actions des américains, à destination des américains (puisque personne d'entre eux ne le fait), et leur faire découvrir des points de vue et des problématiques que les médias ne mentionnent pas. Son but n'est pas de produire une analyse complète des rapports internationaux et du rôle des US dans ces rapports. Il se place dans une perspective différente de Todd, plus restreinte sans doute, mais certainement pas "primaire".
- les espoirs qu'il place dans l'action de l'UE: il semble considérer que l'UE, grâce à sa force économique, pourrait se désolidariser de son maître américain et jouer en égal avec eux, le Japon, et la Russie. Il mentionne à un moment que cela ne pourra se faire que si nous rompons avec le néolibéralisme ("l'ultra-libéralisme" dans le livre), qui constitue une classe oligarchique prompte à vassaliser les politiques européennes aux désirs des US. Or c'est effectivement ce qui s'est passé! D'ailleurs, il semble considérer que la construction européenne est un danger pour l'impérialisme US. Or, il me semble au final que cela leur facilite la vie (en tout cas dans la forme actuelle de l'UE). N'oublions pas que certains "pères fondateurs" de la CEE travaillaient pour la CIA...
- le peu de considérations qu'il donne à la Chine et à l'Amérique du Sud: c'est sans doute le point qui a le plus mal vieilli. Il y a une dizaine d'années, la Chine était encore faible sur le plan international, et l'Amérique du Sud fort vassalisée aux US. Avec l'émergence des socialismes sud-américains et l'augmentation en puissance de la Chine (voir les récents accord de coopération avec les BRICS, et la Russie en particulier), la situation a fort changé. Mais au final, ça ne fait que renforcer ses conclusions!
- le fait de placer dans le même panier Cuba et Corée du Nord. Du point de vue du traitement de ces pays par les US c'est sans doute justifié, mais du point de vue de la situation humanitaire ça me paraît déplacé.
A part cela, c'est un livre fascinant par l'envergure et la multi-disciplinarité de ses analyses, en plus d'être d'une lecture claire et agréable!