Avant, je ne savais pas ce que lire voulait dire.
Et là, c'est le drame.
J'ai 11 ans, et j'ai lu 15 fois toutes les bd dispo à la maison. Les quelques livres abordables pour mon âge aussi. De toutes façons je commençais à m'y ennuyer...
D'où le drame !
J'en réfère à ma mère, pleine de bon sens et une mine de culture.
Elle me tend ce bouquin, sobrement : "Tiens c'est de l'humour noir, ça devrait te plaire."
C'était... C'était comme découvrir un nouveau continent, en sachant qu'il ouvre sur tout un monde à explorer. Enfin je sais pas, je suis pas exploratrice, mais ça doit faire un truc comme ça. Par truc, j'entends une obsession enthousiaste, une curiosité concentrée et réjouie face à ce qui se déployait devant moi, mais aussi à ce que ça déclenchait en moi.
J'ai adoré rencontrer les Malaussène, apprendre à connaître le charismatique et néanmoins loser Benjamin, m'identifier à Jérémy et Thérèse en même temps, me reconnaître un peu en Clara, croiser Julius, le Dr Marty, ... J'ai aimé arpenter Belleville, sentir la pluie et la grisaille m'envelopper comme de vieilles camarades et avec elles sentir qu'une place se construisait dans l'intimité de mon esprit pour tout cela, comme on accueille un ami nouveau en soi...
Bon, donc c'était chouette ! Pour le scénario, vous lirez ça par ailleurs, mais l’immuable bonté du héros, son aptitude toujours intacte à la joie quand le monde est noir et corrompu, m'ont inspirée. Ce sont bien ces contrastes qui m'ont plu. C'était subtil et pas du tout pesant : le bonheur, c'est aussi une question de choix !
Mais surtout, surtout, l'écriture était une révélation. Il y a du qui-croustille et du merveilleux dans les mots de Pennac. C'est parfois trivial, mais ce n'est jamais vulgaire. C'est drôle et plein de nuances, c'est une ode au français sans être chiant et sentencieux (Dans le même esprit mais pas dans le même style -ni, il faut l'avouer au même niveau, au détriment de Daniel et en faveur de François, je conseillerais du Cavanna au lecteur avide et pas ennemi du fun.), c'est primesautier et frétillant, mais ça n'égare pas son public.
C'est marqué en moi.
Avec ce livre, je suis entrée dans mon âge adulte de lectrice. J'ai compris qu'il y aurait plein d'autres livres, d'autres personnages, d'autres pluies, d'autres villes, d'autres mots. Mon univers s'est déployé de manière exponentielle.
En somme, lisez du Pennac, celui-ci ou les suivants de la saga Malaussène (L'incipit de La fée carabine est purement génial, une pépite de la littérature, immanquable.). Ou Chagrin d'école tiens.