Mélancoliques mimoïdes
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Une mère et une fille qui s'apprêtent à se rendre en vacances à la mer, comme tous les ans depuis trente-trois ans. Sauf que cette année-ci, un auteur dramatique en vue, qu'elles ne connaissent pas, va les accompagner. Première partie de la pièce : la mère, cruelle, maltraitante, affreuse, seule à parler, ressasse son passé, son mariage avec son mari, mort depuis treize ans, qu'elle détestait, et qui était laid, ou qui ne l'était pas - c'est selon. Laid ou pas, il avait à peu près tous les défauts. Quant à leur petit garçon mort en bas-âge, il était hideux. D'ailleurs, la fille ressemble, d'un certaine manière, à son père. Ce qui est certain, c'est que la mère ne saurait ne se passer d'elle, elle la séquestre quasiment, alternant les remarques désagréables à son encontre et les remarques plus gentilles - et moins fréquentes. Tout cela semble glisser sur la fille, presque muette. Puis la mère se met à parler de l'auteur invité à la mer, de sa pièce, du théâtre. La pièce, le public, relèvent selon elle de la perversité. Seconde partie : on est à la mer, l'auteur est présent. La mère ressasse toujours autant son passé, l'auteur intervient à sa manière : il dit avoir refusé la voie qu'on lui traçait. La mère dit se reconnaître dans les personnages de l'auteur. La fille continue à se taire.
On lira à peu près partout que c'est la pièce la plus autobiographique de Thomas Bernhard. Effectivement, à travers les interrogations sur la littérature dramatique, les répliques sur le sens et le rôle du théâtre, sur le choix d'une voie ou d'une vie plutôt que d'une autre, la façon dont la mère conspue la jeunesse contemporaine, on sent les réflexions, les déceptions, les questionnements d'un auteur. Pour autant, ce n'est pas un débat que j'ai trouvé particulièrement passionnant, ni même franchement subtil. Sans compter la forme que prend la pièce, écrite comme si elle était versifiée (j'aurais aimé avoir une édition bilingue sous la main), sur un rythme très particulier, qui oscille entre naturel et artifice, et qui, évidemment, joue sur les répétitions inlassables de la mère : répétition des mots, des interrogations, des vieilles histoires, avec de menues variations. J'ai senti comme une barrière se dresser entre moi et cette forme de langage. Bien sûr, on se dit que tenir le rôle de la mère est une véritable gageure pour une comédienne (car la pièce est presque un immense soliloque), tout comme arriver à exister dans le rôle de la fille. L'auteur-personnage, au milieu des deux, ne m'a pas semblé apporter grand-chose. Et surtout, de ce huis-clos, qui dure finalement entre la mère et la fille depuis des années, on attend une crevure d'abcès. En fait, non. Bof.
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Créée
le 16 juin 2018
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