Un café, en bordure de mer transformée en station balnéaire, sur l’île de Chypre. Attablées avec l’autrice, le lecteur ou la lectrice est transportée à l’une des tables, on y imagine la brise iodée, la clameur des habitués, les traces des tasses sur les nappes brodées.
La serveuse nous fait quotidiennement la discussion, s’enquiert du roman en train de s’écrire, du roman qui cherche à décrypter l’histoire de l’île. L’histoire –la petite- cherche l’Histoire, la grande, avec un grand H. Et va la trouver sur la terrasse de ce café, Tis Khamenis Polis, avec cette serveuse, Ariana, ou encore Giorgo un client de longue date qui a été acteur, pendant les années 1960, de la construction de la station balnéaire.
L’histoire de l’île va se dire dans l’histoire d’une famille et de ses différentes générations, qui ont pour point commun leurs regards braqués vers une ville fantôme, une ville morte qui ressuscite entre ces lignes.
Car il ne suffit pas de vider une ville de ses habitants pour qu’elle disparaisse. En témoigne Varosha, la ville qui vit encore dans le cœur de chypriotes grecs ou sur la peau de cette serveuse, qui y a tatoué l’adresse de sa maison de famille et le figuier de ce jardin qu’elle n’a jamais connu ni vu en guise d’arbre généalogique.
Varosha, donc, cette ville qui tombe en ruine. Varosha entourée de barbelés. Varosha vidée. Varosha Volée. Varosha, symbole visible la scission qui déchire les deux peuples d’une seule et même île : les chypriotes grecs d’un côté, les chypriotes turcs de l’autre. Varosha qui transparait dans ce livre à la fois comme son contexte, son intrigue et son personnage principal. Varosha, ville fantôme mais qui s’illumine dans le cœur des habitants qui ont dû la fuir. Et de leurs enfants. Et de leurs petits-enfants. Entre amour, amour impossible, haine et déracinement, ce livre dit à quel point la ville est une chose, avant tout chose, humaine.