Je ne sais pas si je vais « vraiment » évoquer ce livre merveilleux. Je ne pense pas être à sa hauteur. Scribouiller trois, quatre malheureuses phrases à son sujet serait comme une piteuse trahison envers Nabokov. Je n’évoquerai donc pas le style si hautement poétique d’Autres Rivages (belle traduction) ; le miracle de ses admirables strates mémorielles nimbées par le beau halo d’une accorte rêverie philosophique ; ces mots coruscants et tout en couleur alors que je n’ai qu’un piteux gris pour moi.
Bon en restant télégraphiste et monochrome je peux cependant laisser brouillonner quelques échos. Enfance, jeunesse, amour de jeunesse (forcement), lépidoptèrie (toujours), révolution, barbarie corrélative (forcément), exil (« une existence bizarre, mais nullement désagréable, dans l’indigence matérielle et le luxe intellectuel, parmi des étrangers parfaitement insignifiants… »). Vingt années en Russie (1899-1919), vingt et une années d’exil volontaire (1919-1940), vingt années dans un pays d’adoption (1940-1960). En somme : thèse, antithèse, synthèse. Manque la conclusion : les dix-sept années que Nabokov passera en Suisse.