Aveuglé par la fascination

Avenue des géants de Marc Dugain

L’amour rend aveugle. Une expression qui colle parfaitement à ce que ressent le lecteur face à ce roman. On parle bien sûr de cet attachement qu’il développe pour le protagoniste. Un intérêt qui nous empêche de voir la vérité derrière l’énigme qui rythme l’histoire.

Dans Avenue des géants, Marc Dugain nous présente le jeune Al Kenner, 2,20 mètres de hauteur et un QI supérieur à celui d’Einstein. Il nous dresse le portrait d’un homme repoussé par sa mère, par sa famille, par la société. Il ne rentre pas dans les cases de ce système trop strict. Après une enfance difficile cadencée par le meurtre de ses grands-parents ou encore un séjour en hôpital psychiatrique, il part vivre sa vie d’adulte. Il rencontre alors le policier Duigan qui, fasciné par l’intelligence du jeune homme, le choisit pour l’aider à résoudre de nombreux meurtres. Une amitié touchante pour le lecteur, mais toxique pour les deux personnages.
Écrit avec finesse et complexité, ce roman n’est pas une histoire de meurtre, mais une aventure psychologique. Pas de violence, pas de sang, pas de scène de crime, tout est une question d’esprit. La première victime du récit est sans aucun doute le lecteur qui se retrouve tiraillé entre deux pensées. Sans s’en rendre compte, il n’ose pas croire à l’évidence, il a toutes les cartes en mains et pourtant il se refuse cette fin que lui impose l’écrivain. D’un autre côté, il s’impatiente de découvrir cette vérité sur ces meurtres et oublie cette réalité qu’il connaît déjà sans pourtant y croire.

Alors que la lecture vient de commencer, on en connaît déjà la fin sans pour autant que cela ne soit désagréable. Et si on a bien fait ses devoirs, on se rend compte que l’histoire est inspirée d’un célèbre tueur en série.

Léonie Dutriévoz