Backup
4.9
Backup

livre de Guy-Roger Duvert (2020)

Si votre truc c'est la SF sans substance, foncez

J'étais assez active sur un forum littéraire, qui s'est décidé à organiser un petit prix annuel des lecturs, avec une catégorie par genre. Trop lente pour suivre le rythme, j'ai décidé de me focaliser sur un genre que j'apprécie beaucoup mais dont je ne suis pas les sorties récentes, et de lire les romans nommés dans la catégorie SF, parmi lesquels Backup. Le résumé me semblait pas mal, étant peu férue de space-opéra et préférant de loin les dystopies et histoires à base de transhumanisme. Sur le papier, Backup était donc ma tasse de thé ; en plus Cyberpunk 2077 venait de sortir sur PS5 et tous mes amis ou presque publiaient des screenshots qui ne faisaient qu'alimenter mon envie de plonger dans le monde du roman, plutôt similaire.


Dans les faits, j'ai très vite déchanté, et le premier point noir du livre m'a frappé assez vite : l'écriture est catastrophique. Un exemple, "puis, tous en silence, ils ouvrirent la porte et pénétrèrent". Pénétrèrent qui, pénétrèrent quoi ?

Une autre maladresse qui m'a projeté hors du bouquin : "un troupeau de buffalos paissait". Alors un troupeau de buffles, ou un troupeau de bisons même si ça n'a rien à faire dans la savane, des bisons, ok. Mais des Buffalos, si tu veux absolument ne pas traduire le mot anglais, ça veut dire que ce qui paissait dans la savane, c'est une paire de chaussures compensées ou un troupeau de restaurants de grillades.


Il faut le reconnaître, l'action est très rapide à se mettre en place, on peut parler de roman sans temps mort. Si c'était adapté en film je verrais bien Michael Bay à la réalisation, et Tom Cruise dans le rôle-titre. Ce qui en dit long sur le ton du livre : à mes yeux ce n'est pas un roman de SF, mais un thriller dans un cadre futuriste à la Minority Report. J'apprécie particulièrement le bond de cinq ans dans le temps entre la perception/les souvenirs du narrateur et la réalité : la rencontre avec son double du futur, renommé Holden pour rendre la narration moins confuse, était probablement la partie la plus intéressante de ma lecture, parce que la version futuriste est plus nuancée que le cliché de flic droit et incorruptible bien relou incarné à l'écran par des mecs comme Jean Reno. Par contraste, donc, on se retrouve coincés avec la version la moins intéressante, la plus naïve et rigide des deux Aiden. Pas de bol.


En fait, il y a plein de thématiques que je trouve intéressantes : outre l'omniprésence des prothèses augmentées (le bras de la collègue qui se fait arracher puis remplacer par un bras bionique, les capacités oculaires des ravisseurs du premier chapitre...) qui laissent comprendre que le transhumanisme est communément accepté et accessible au plus grand nombre, la manière dont la publicité se manifeste (devoir payer un isolement anti-pub pour pas entendre le spam à travers les murs de son appartement, c'est très crédible d'imaginer le genre de pub qui attend les citadins du futur, dans l'éventualité où notre espèce survit jusque là), c'est surtout la gestion de l'immortalité comme un énième bien accessible aux plus nantis, aux personnes "de valeur", via un système de sauvegarde de la psyché, qui me plaît beaucoup, parce que, déjà, c'est original, mais surtout, ça pose d'énormes problèmes d'éthique. Des problèmes qui sont très rapidement soulevés par les ravisseurs de la fille du créateur de Backup, et qui sont à l'origine du retour bâclé d'Aiden : le tripatouillage de souvenirs à des fins mercantiles ou politiques, ce qui est prévu par la triade des Méchants très Méchants qui ont récupéré la direction de la société. Le problème c'est que c'est totalement survolé.


On n'y reviendra carrément pas, d'ailleurs, ce n'est pas le but de ce livre. On ne veut pas savoir pourquoi, on ne veut pas comprendre comment, non, le seul but c'est de pan pan boom explosion, course-poursuite, waaaah, bang bang, victoire. On ne développera jamais aucun aspect de tout ce que je viens de citer, non. Parce que ce roman est un roman d'action, avec des néons et des prothèses oculaires. D'où ma déception.

Les rares personnages secondaires intéressants du roman, il y en a deux, qui sont vraiment pas mal développés... meurent presque illico ! Sérieusement, Aiden se débarasse avec une facilité déconcertante de personnages qu'on nous a pourtant présenté comme de grandes menaces, tant sur le plan physique qu'intellectuel, et elles sont littéralement balayées en un instant ! Allison et Kriss méritaient bien mieux que ça.

En somme ce roman n'est pas un ratage, il est distrayant mais un peu maladroit, et surtout il est décevant si on s'attend à de la SF. J'ai noté tellement de fautes ("habilité" et "habileté" ne signifient pas la même chose...). En fait si on cherche un petit thriller sympa dans un univers SF à la Blade Runner, c'est très correct, mais j'attends un peu plus que ça de ce genre-ci. Beaucoup de choses intéressantes n'ont pas été creusées, on reste très en surface. Aucun personnage secondaire n'est approfondi, j'attendais tellement plus de Natsuko, d'Allison et de Kriss, c'est un énorme gâchis de potentiel, qui était pourtant là. Et qui fait de Backup une lecture distrayante, sans plus.

Je finirai cette critique un peu trop sévère en précisant que la SF est un de mes genres favoris, que j'en adore le commentaire social sous-jascent et que, par conséquent, j'ai des attentes assez élevées pour qualifier un livre SF de "bon". Cependant, je pense que pour quelqu'un qui a peur de la SF, souvent vue comme un genre difficile d'accès et un peu trop touffu, c'est une bonne porte d'entrée.

Lauren_Nuage
3
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le 24 mai 2022

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Low Nuage

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