Béhémoth, structure et pratique du national-socialisme

Fiche technique

Titre original : Behemoth stucture and practice of national socialism

Auteur :

Franz Neumann
Genres : Essai, Histoire, PhilosophieDate de publication (pays d'origine) : 1944Langue d'origine : AnglaisParution France : 1987

Éditeur :

Payot

Résumé : L'un des mérites de cet ouvrage réside dans l'analyse fine d'un phénomène à la fois ancien et nouvellement élaboré : diviser pour régner. Si le totalitarisme se caractérise par l'hyper-centralisation des pouvoirs, on voit ici qu'en l’occurrence le nazisme aura été la superposition d'une multitude de fiefs (parti, SS, Etat, administration, justice, industrie, police, armée, etc...) concurrents et parfois le siège de rivalités féroces basées sur l'allégeance au chef et/ou l'appât d'avantages matériels, formant des réseaux de pouvoirs dont la toile est agitée de mouvements browniens concurrents où l'efficacité et la rigueur allemandes se dispersent au profit des chimères de l'individu Hitler. Un anti-état, dans une anti-société, morcelés mais marchant d'un même pas vers une utopie mortifère où le lien réside dans l'atomisation complète des vies individuelles et des collectivités sociales. L'irrationnel se combine au tatillon et à l'obsession d'un but ultime dont la définition peut varier arbitrairement, mais dans un bain universel de violence paranoïaque. Ce livre à la fois classique et méconnu présente une analyse paradoxale du système national-socialiste comme système monstrueux, c'est-à-dire un non-Etat, un chaos, une situation de non-droit, de désordre et d'anarchie, ambitionnant d'établir son hégémonie sur de gigantesques étendues de terre. Objet de débat au sein du groupe de Francfort, on a d'abord retenu de cette interprétation du nazisme son orientation marxiste, surtout de par son opposition aux thèses de F. Pollock sur le capitalisme d'Etat, formation sociale originale qui succéderait au capitalisme de monopoles. Pour Neumann, il s'agit en vérité d'une économie monopolistique totalitaire qui se définit par deux caractères : «C'est une économie monopoliste et en même temps une économie dirigée. C'est une économie capitaliste privée encadrée par l'Etat totalitaire.» Aussi une lecture plus à distance des controverses de l'époque peut-elle discerner dans Béhémoth : - à travers l'étude du national-socialisme, une analyse concrète de la primauté du politique sur l'économique au XXe siècle, en tentant d'articuler la problématique wébérienne des formes de domination à une interprétation marxiste des antagonismes de classe ; - une étude minutieuse des mécanismes de l'Etat totalitaire décrit comme un complexe de quatre groupes sociaux dominants qui, sous couvert d'unité, est menacé en permanence d'éclatement et de désintégration. Contre les représentations superficielles d'un fascisme monolithique, Neumann démontre que «l'Etat national-socialiste était en réalité pluraliste, en un sens funeste du terme. La volonté politique s'y formait à travers la concurrence sauvage des lobbies sociaux les plus puissants.» (Adorno) Béhémoth, le monstre qui règne sur la terre où le désert croit. A l'encontre du mouvement "révisionniste" et des tendances apologétiques qui visent, en Allemagne, à banaliser la socialisation totalitaire propre au national-socialisme et à engendrer en douceur l'oubli de l'imprescriptible, Béhémoth, même s'il méconnaît la destruction du peuple juif, rappelle que dans la société nouvelle, sous l'emprise d'une domination directe et d'un procès d'atomisation généralisée, c'est bien d'auto-destruction de l'humanité qu'il s'agissait."