Une mosaïque remarquablement puissante de sensations.
Point de ballade douceâtre aux méandres de l'Orient ; si la ville est un dédale omniprésent, elle semble parfaitement indifférente au destin des personnages. Et pourtant, cette histoire ne pouvait avoir lieu qu’ici, à Beyrouth, la libertine, la traditionnelle, la contradictoire, effervescente, résignée. Elle a forgé en trame de fond les désillusions latentes des six trentenaires privilégiés qui, pendant cette nuit fatale, sont livrés à quelque chose d’eux-même, en pleine déroute. Le talent de l’auteure se révèle à ébranler ses personnages, tour à tour subtile, tranchante, onirique ou crue. Elle distille une telle palette d’émotions, que le lecteur n’a pas d’autre choix que d’être à son tour saisi, pris par les tourments d’un ou de plusieurs des protagonistes. Mais le livre n’en a pas fini avec vous ! Car à travers une construction en mosaïque, où la romancière croise les parcours en évitant de les intriquer exagérément, il souffle une profonde légèreté, une aspiration ténue, constante, croissante et bientôt indocile au dépassement et au bonheur. Dès que ce courant vous agrippe, vous ne pouvez rien lâcher : ni l’histoire, ni l’auteure et son style implacable, ni le livre. Au final, « Beyrouth la nuit » est tout sauf un livre sur une génération ou « libanais » et qui se complairait à l’apitoiement ; c’est un intense édifice contemplatif qui vous secoue et donne un bon coup de pied… où vous voudrez. À lire furieusement !
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