Premier roman de Raozy Pellerin qui s'empare d'un sujet brûlant au travers d'une héroïne touchante, battante, émouvante. Bibiche n'est pas de ceux qui ont bravé de terribles voyages pour venir en Europe, elle a réussi à prendre un avion, elle n'en est pas moins déracinée, seule. Elle est obligée, pour obtenir le statut de réfugiée de se replonger dans ce qu'elle a vécu : la prison, les viols des femmes, la violence. Elle voudrait avancer, mais sans cesse, il faut dire et redire, ressasser, à la psychologue, aux juges...
Raozy Pellerin, tout en finesse mais sans éluder la violence, retrace l'errance, la perte d'identité, le rejet, la déshumanisation de l'administration : "Sa vie n'était qu'une succession de démarches, de semaine en semaine, de mois en mois. On testait peut-être sa capacité à résister." (p.39) Elle évoque aussi, la honte, le désespoir lorsque tout à été tenté et que le pays d’accueil refuse le statut tant espéré pour continuer ou recommencer à vivre : "Pour la première fois, depuis son arrivée en France, Bibiche ne se sentait plus seulement triste ou démunie, mais aussi réellement effondrée. Effondrée, comme si elle se trouvait sur une pirogue entre les deux Congo et que, tout à coup, un tourbillon l'emportait. Elle n'avait plus envie de lutter. Une année passée, sans que sa voix ait été suffisamment forte pour être entendue et prise au sérieux. Ce temps qui s'écoulait, c'était un autre genre de prison." (p.84) Le texte, même s'il aborde des thèmes lourds et forts, est accessible et pas du tout plombant, il y a constamment une petite lumière, incarnée par Dinah, Raoul et Bibiche qu'on aimerait beaucoup rencontrer et aider.
J'ai beaucoup aimé ce roman et son héroïne, si forte même lorsqu'elle n'y croit plus. Le lire confortablement installé dans un fauteuil peut mettre mal à l'aise tant on touche du doigt le long, lent et difficile parcours de tous les réfugiés qui demandent le statut. L'administration française est implacable, pas toujours humainement incarnée, ce qui est un comble lorsqu'elle doit s'occuper de gens qui ont vécu des choses effroyables et ne demandent qu'à continuer à vivre. Pas glorieux pour le pays qui se dit celui des Droits de l'homme et qui, en la matière ne fait pas mieux que ses voisins, voire pire. Puisse Bibiche, forte et lumineuse changer le regard envers les réfugiés !