Richelle Mead a cette étiquette Bit Lit collée à la peau ce qui a tendance à m'agacer. Vampyr Academy, son plus gros succès, était en plein dans le genre pour être honnête - même si elle avait cette qualité incroyable de pouvoir plonger dans l'horreur en l'espace de quelques pages (une fin de tome 2 glaçante, un tome 3 sur le traumatisme, un tome 4 tout entier sous forme de chasse mortelle). Pourtant elle sait faire tellement plus. Succubus brillait par son humour et sa vision décalée, L'ère des miracles était de la sf bourrée d'idées - et ce n'est d'ailleurs pas tant une surprise que son public classique ne l'ait pas suivi dans cette dernière aventure à tel point que la série soit à l'arrêt, sans éditeur...
Avec Bloodlines, elle décide de lancer un spin-off à Vampyr Academy, mais en élevant un peu les débats. Il ne s'agit plus de nous montrer le quotidien de lycéens puis à terme une machination politique ou une guerre. Mais bien de suivre des personnages adultes, qui malgré un âge considéré comme jeune, ont de fait déjà bien roulé leur bosse. Sydney, humaine, a comme unique objectif de réaliser sa mission d'alchimiste, terme bien osé pour ce qui consiste finallement à jouer les Men in Black flashouieur de cet univers. C'est notre héroine et ne lui cherchait pas la moindre romance dans ces pages. Dans la suite certes je ne promets rien... mais ici il s'agit avant tout de rester professionnel.
Sydney a ce petit quelque chose de première de classe que Mead tourne de façon perverse comme un défaut. On ne peut pas être une Mary Sue quand tout le monde se sert de toi, te marche dessus, se repose à l'excès sur tes compétences. Voilà plus ou moins le constant qu'on peut faire, tant malgré toutes ses qualités, ses actions se retournent souvent contre elle.
A ses côtés on retrouve tout une gallerie de personnages du monde vampire, dont la plupart nous sont connus, même si en parfait spin-off aucune connaissance préalable n'est en fait nécessaire. Adrian, l'inutile, l'alcolique, le dépressif romantique, le torturé, sorte de Dorian Grey de façade pour un coeur bon mais pas la force de caractère de le mettre à profit. Jill, la bâtarde royale dont la vie continue d'être balladée à droite à gauche pour raison d'état. Eddy son protecteur. Un secret unit ces trois derniers, ce qui occupera le premier tiers du livre, avec cette écriture parcellaire qui nous fait comprendre que toutes les relations fortes qu'ils ont noués dépendent d'un événement du passé proche évoqué dès les premiers chapitres, mais dont l'ampleur mettra du temps à s'éclairer.
Une fois la mise en place du Scooby groupe, la compréhension de leurs liens, il s'agira pour Mead de mettre en application une technique qu'elle utilise dans l'intégralité de ses livres. Du polar, des intrigues à secret en cascade, le tout qui nous perd dans les interrogations et les fausses pistes, tandis qu'en toile de fond la vie quotidienne suit banalement son cours et fait évoluer les relations des protagonistes. Et comme souvent, Mead réussira jusqu'au bout à cacher le vrai secret... celui qui glace le sang, celui qui fait plonger la dernière partie du bouquin dans l'horreur, qui subitement rompt la vie quotidienne pour nous prendre aux tripes, pour opérer au scalpel et sans anésthésie sur des personnages de papier, qui sous les coups prennent plus vie que jamais. C'était la seconde fois que je lisais ce premier tome et elle a réussi à m'avoir deux fois - tant la fausse piste réussit son office et prend toute la place. Ce n'est que quand cette dernière a été élucidé que ma mémoire s'est mise en branle pour me souvenir du mystère - et donc tout au plus un chapitre avant la révélation.
Pour un septième tome dans ce même univers, Mead réussit avec brillo à apporter des idées neuves, à garder de nouveux pans magiques ou sociétales à nous révéler. C'est assez plaisant et rend d'autant plus envie de lire la suite pour bien appréhender les nouveaux jouets qu'elle vient d'ajouter à sa mythologie.