Il faut avoir le coeur un brin accroché. L'amateur de polar ne trouvera peut-être rien de neuf aux récits parfois glauques de ce reportage-fiction rondement mené dans les milieux des bar dancers de Mumbai (le nom Bombay depuis maintenant quelques décennies). N'étant pas amateur du genre - et moins encore de ses récents avatars -, j'ai pris une gifle, d'autant plus que tout ce qui est raconté dans ces quelques trois cents pages vives, toutes fruits d'investigations de terrain, rend compte du quotidien de femmes, d'hommes et de hijras au début des années 2000, dans le capharnaüm d'une ville violente à la mesure des disparités de richesses qu'elle entretient.


Autour de Leela, jeune et très décidée bar dancer de 19 ans, s'enchainent portraits de parents, d'ami.e.s, de proxénètes, de malfrats, de policiers, sur fond de politique corrompue, de temples, de la misère brutale qui semble aussi proche, et infiniment plus probable, que les diamants pour une fille qui sait vendre ses charmes. C'est parfois drôlatique, toujours haut en couleurs, seraient-elle de nuances sanieuses. Le désespoir passe comme une ombre rapide, encore sans prise réelle, sur des êtres trop jeunes ou trop endurcis pour qu'il parvienne à prendre prise durable, malgré les traumatismes, malgré le sort contraire, malgré, pivot du livre, l'immondice des jeux politiques qui poussera des dizaines de milliers de femme à la prostitution ouverte.


C'est une des Inde réelles - de celles que l'on sent violentes, débrouillardes indépendamment des lois, cruelles, d'une injustice atroce envers les femmes, bien différente de celle des slumdogs millionnaires et des désirs d'ashrams, très en deçà de nos rêves occidentaux. Certes pas le tout de l'Inde, non, mais un contrepoint fort bienvenu à l'Inde fantasmée par ses publicités d'invitations aux voyages, fussent-ils spirituels, ayur-védiques ou simplement exotisant. Cette Inde-là n'est exotique qu'à la mesure de son décor et de sa sociologie - mais ce sont les mêmes tristesses, les mêmes rêves, les mêmes pleurs, les mêmes joies d'enfant, et toute la saloperie, toute la richesse intermédiaire des familles dès lors que la débrouillardise le dispute à la pauvreté sur fond d'exploitation des femmes.

Kliban
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Faire le Cheksche ?, Passage to India - livres, Cruautés, Ce que l'homme fait à l'homme et Drôle de genre

Créée

le 25 juin 2016

Critique lue 293 fois

Kliban

Écrit par

Critique lue 293 fois

Du même critique

Le Premier Sexe
Kliban
3

Critique de Le Premier Sexe par Kliban

Impossible de mettre la note minimale à Zemmour. Non parce que le livre vaudrait quelque chose. Objectivement, le lire est une perte de temps - sauf pour ceux qui sont déjà convaincus et se...

le 14 nov. 2010

48 j'aime

22

Tao-tö king
Kliban
10

Autant en emporte le vent

Noter le Tao Te King, c'est noter le vent et c'est noter une traduction. Comme le site n'admet pas les doublons, je note le vent. Et comme le vent passe toutes les notes, mon humeur étant à cette...

le 7 nov. 2010

46 j'aime

Alice au pays des merveilles
Kliban
10

Top Disney

C'est sans doute l'une des meilleures adaptation des studio Disney. Et on ne peut malheureusement la goûter si on ne connaît pas son Wonderland et Looking Glass sur la bout des doigts ou presque...

le 24 déc. 2010

40 j'aime