Horreur boréale.
2017, Luv Svendsen est une scientifique de renommée mondiale spécialisée dans les disparitions massives d'animaux. Restée seule alors que son mari travaille en Californie, elle s'occupe de sa...
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le 19 janv. 2022
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2017, Luv Svendsen est une scientifique de renommée mondiale spécialisée dans les disparitions massives d'animaux. Restée seule alors que son mari travaille en Californie, elle s'occupe de sa nouvelle-née, Joy, cachée sur une île en Norvège suite à une tentative d'assassinat pour cause de son engagement écologique. Victime d'un nouveau drame familial et ne supportant plus l'autoritarisme de son conjoint, elle sort de son isolement afin de venir en aide à une équipe de scientifiques qui viennent de découvrir une horde de boeufs musqués étrangement piégée dans le sol glacé du Groenland, au coeur d'un site sacré Inuit. Jeune maman, elle n'hésite que 10 secondes avant de partir à l'aventure en laissant son bébé à sa tante pendant qu'un agent de Scotland Yard enquête sur la récente mort de sa première fille. Entretemps, la tension sexuelle grimpe d'un cran au Groenland, de même que la paranoïa, lorsqu'un membre de la mission ARCTICA se suicide et qu'un autre disparaît dans la nuit polaire tandis que des ours rôdent autour de la base isolée. Brr... Tout cela sent mauvais pour Luv, non ?
A la lecture de ce roman, je n'ai pu m'empêcher de penser à une phrase tirée d'une précédente lecture où, bien qu'il ne s'y passait pas grand-chose, la justesse de l'écriture l'emportait sur la simplicité de l'histoire: « Il avait perdu de vue le gouffre qui séparait son amour de la littérature de ce qu’il était capable d’en témoigner. » C'est exactement ce qui semble être arrivé à Sonja Delzongle.
Avec Boréal, on retrouve donc une formule chère à l'auteure dont on sent l'amour pour les romans noirs à ambiance. Je n'ai pas lu le roman qui l'a révélé, "Dust", qui est censé se dérouler dans l'accablante chaleur Sud-Africaine et dont "Boréal" est censé être le pendant logique. Mais la logique à ses raisons que la littérature n'a pas. Ou bien serait-ce l'inverse ? En tout cas, le libraire qui m'a recommandé ce roman a de la chance que je ne pratique pas le Vaudou.
On m'annonçait du thriller, un roman noir qui tache et j'ai plutôt eu l'impression de me farcir une rédaction scolaire qui mélange à qui mieux mieux tous les registres en enfilant les clichés comme des perles sur un collier. En effet, le style passe aisément du roman de gare grivois aux situations éculés du thriller mal fagoté avec un nombre incessant d'allers-retours des personnages d'un lieu à l'autre comme si meubler le bouquin avec autant d'action le rendait plus trépidant. Un véritable roman de bourgeoise qui s'emmerde, mal documenté (les références "scientifiques" sont d'ailleurs assez pauvres) et avec des personnages caricaturaux et des situations toutes aussi mal écrites... Donc c'est facile à lire mais c'est long, parfois agaçant et parfois drôle tellement le ridicule de certaines situations ne peut que faire pouffer. Le vrai souci est qu'aucun des (trop) nombreux personnages n'est attachant et au final, Sonja Delzongle privilégie la surenchère dans le gore pour cacher les faiblesses de l'intrigue. Un gros rouge qui tache en somme.
Ce qui fait mal au coeur, c'est qu'on sent que Sonja Delzongle semble s'être éclaté à l'avoir écrit, pour preuve l'interminable liste de remerciement qui clôt l'ouvrage, dédiée à sa famille, ses amis, ses collègues écrivains avec lesquels elle partage des coins de table et des zakouskis rassis dans les salons du livres de toute sorte, à l'éditrice (qu'est-ce qu'elle a foutu ?) et son équipe... Bref, malgré la pauvreté de l'oeuvre, l'artiste se révèle attachante.
Pour les amateurs de série Z et autres chercheurs de pépites littéraires grotesques, je vous invite à lire ce roman et à investir dans un kickstarter pour financer une adaptation en film tellement il y a de quoi rire.
ALERTE SPOILERS!
"Boréal" souffre de l'écriture maladroite de Sonja Delzongle qui nous inflige des lieux communs et avec notamment un éloge ostentatoire à un multi-culturalisme en solde digne d'un exposé de maternelle à travers les portraits de ses personnages mâtinés d'une bien-pensance un peu rance. En effet, la galerie de personnages est établie selon une charte de discrimination positive digne d'une série américaine avec ses personnages caricaturaux à souhait, tous sexy et torturés intérieurement.
On a le responsable de l'expédition, Roger Ferguson, un chef de meute Viking, un mâle-Alpha Danois (très) fort, (très)beau, (très)intelligent, avec les tempes argentées et ce qu'il faut là où il faut. Il a été le love-interest de l'héroïne dans le passé. Son grand sens des responsabilités et sa profonde connaissance de la nature font que pour sauver un membre inconscient (ou débile) de l'équipe, il tue et dépèce un ours sans sourciller en tenant un discours pseudo-philosophique. Il disparaît après avoir eu l'idée d'un plan classique des héros de films d'horreurs: "séparons-nous dans la nuit polaire, on se retrouvera avec nos fusées éclairantes. On sera plus efficaces pour retrouver notre collègue disparu mystérieusement."
Autre personnage dont on ne comprend pas l'intérêt sinon pour dénoncer la catastrophe de Fukushima comme une énième horreur imputable à la folie de l'homme et apporter du poids aux propos écologiste du roman, il s'agit d'Atsuko, une scientifique japonaise mystérieuse. Dépressive depuis que sa famille est décédée à Fukushima, on découvre qu'elle a remplacé son mari et son fils par des avatars/ robots qu'elle skype entre deux sorties en motoneige. L'enfermement et la solitude affective font qu'elle décide de se taper "là, maintenant, tout de suite!" Roger Ferguson pendant que celui-ci est occupé à dépecer la carcasse de l'ours qu'il a été obligé de tuer pour sauver leur pote. Du coup, pris d'une sorte de fièvre du corps (avec de fortes descriptions à l'appui) ils copulent directement sur la carcasse de l'ours encore chaude tandis qu'un autre membre de l'expédition les observe depuis l'extérieur en se paluchant par -35°c (réaliste, n'est-il pas ? On sent que le travail de l'éditeur a été important...)
Luv Svendsen est une scientifique blonde, bien foutue, intelligente et au caractère bien trempé car elle se met en travers de nombre de vilaines entreprises qui, obsédées par le profit, détruisent la nature. C'est vrai que les militants de Sea Shepherd ou Green Peace vivent cachés car leur activisme les met, eux et leur proches, en danger. En plus, c'est tellement une ouf, Luv Svendsen, qu'elle se fait tatouer les espèces qui ont disparues sur terre depuis l'année de sa naissance. Cela permet à l'auteure de faire une superbe image littéraire quand David, le mari de Luv qui a tout du patriarche autoritaire et protecteur, lui glisse: "ta peau est un cimetière". Et comme une intrigue ne suffisait pas, Sonja Delzongle à rajouté une sous-intrigue qui, à défaut d'être géniale, aurait pu être une préquelle à Boréal présentant le personnage de Luv à ses lecteurs et n'aurait pas encombré inutilement l'histoire de lourdeurs et d'incohérences. En effet, Luv a eu un enfant a 16 ans qu'elle a laissé à ses parents car incapable de s'en occuper. Sauf que 25 ans plus tard, sa fille qui a souffert de l'abandon de sa mère pète un câble quand elle apprend que celle-ci est enceinte et essaie de la tuer au sniper pour faire croire à un attentat et se débarrasser de l'enfant à venir. Heureusement, papy Dagmar veillait au grain et s'est débarrassé d'elle dans un faux accident avant de mourir de son cancer du cerveau dans une cellule. Oui, il s'agit d'un spoil. Mais vu que la fin est racontée au milieu dans le bouquin, je me suis dit que ça ne changeait rien...
Et vu que Luv est une bombasse dans la fleur de l'âge, tous les mâles veulent jouer au docteur avec. Du coup elle emmène avec elle un journaliste norvégien qu'elle kiffe en secret, lui aussi l'aime mais ils ne peuvent se le dire car Luv a un mari et un enfant et tout et tout... Du coup ce personnage de gentil grand scandinave blond, bronzé, végétarien et intelligent (il travaille pour National Geographic) qui n'apporte rien à l'intrigue meurt de faim et de mauvais traitement lorsqu'il est retenu captif avec Luv dans une tribu d'Inuits cannibales, mutants et consanguins (oui, je vous jure, les trois à la fois, c'est pas un roman, c'est une partouze de mauvaises idées). Bref, comme à la fin du roman, il ne reste que deux survivants (Luv et le glaciologue canadien), il faut bien qu'ils baisent pour "retrouver leur humanité perdue après une expérience traumatisante". A l'hôtel, hein, parce que les carcasses d'ours et les igloos, ça va bien cinq minutes, mais il faudrait penser à la crédibilité de l'ouvrage.
Niveau incohérences, on est servis avec par exemple les membres de l'expédition qui "oublient" de prendre une arme avec eux à chacune de leurs sorties à l'extérieur alors que les consignes les obligent à le faire pour parer à toute éventualité de rencontre avec un ours. Mais rien n'est aussi fort que l'héroïne qui, obligée par deux fois de manger de la chair humaine, culpabilise d'avoir "pris goût" à cette chair. Et le meilleur pour la fin, le coup classique de film d'horreur sur la banquise: la panne de motoneige. On a une équipe de scientifiques surdiplômés et préparés pour vivre isolés dans la nuit polaire et il partent sans emporter de réserve d'essence ?
Bref, il fallait une équipe de scientifiques qui fonctionne comme une meute (leurs hormones les travaillent vraiment beaucoup, les pauvres) pour pouvoir faire des comparaisons avec les loups car qui dit loup, dit neige et qui dit neige dit froid et ce roman s'appelle Boréal, non ?
Allez, bonne lecture !
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le 19 janv. 2022
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