"C'est juste après la mort que j'ai rencontré Eric”
Le premier Amour. Irraisonné, passionnel, destructeur.
Celui qu'on ne vit qu'une fois et qui restera ancré dans notre mémoire, nous collera à la peau tel un fantôme nous rappelant ce qui n'est plus.
Gloria, de son véritable prénom Stéphanie, va expérimenter bien malgré elle les affres d'un amour qui évoluera de bien des manières tout au long de ce court roman.
L'amour épistolaire, celui à distance, le passionnel, l'éphémère ou Hassliebe (NDLR : Relation amour-haine en allemand), vous retrouverez nécessairement des sentiments que vous même aurez déjà (sur)vécu.
Gloria c'est le portrait d'une femme en colère. Une agression permanente envers son prochain qui entraine une tension palpable, lourde, pesante. Un malaise omniprésent renforcé par ce personnage mal dans sa peau et son époque. Elle refusera de se plier aux codes de la société et se complaira dans une situation instable et précaire : « C'est fou ce que rentrer dans le droit chemin continue de rassurer les ploucs »
Pour la comprendre, il faudra connaître son passé, ses angoisses, ainsi que tout le cheminement de sa vie pour qu'elle en soit arrivé là.
L'histoire prend part durant les années 80, celles du punk.
D'ailleurs, le rythme du livre est donné par les musiques de ces années révolutionnaires.
Un état d'esprit de contestation et une quête de liberté planent sur ce roman.
Sans même avoir connu cette époque, on ne peut que se sentir transporter au beau milieu d'une ambiance contestataire et qui veut renverser l'ordre établie.
Les descriptions des styles vestimentaires ajouteront encore plus d'eau à votre moulin imaginaire « Il portait un perfecto noir hyper étriqué et un jean u peu court sur des Creepers bleu éléctrique »
Et tout ça, bien évidemment, sur fond de drogues : omniprésentes, elles imposent une l'ambiance délétère nécessaire pour une meilleure immersion dans ce roman.
Un peu cliché me direz-vous, mais si bien ce peu pour réaliser cette œuvre qui fera office de flashback pour ceux ayant connu ce temps.
Virginie Despentes a ce style d'écriture qui peut déranger, mettre mal à l'aise.
Evoquer des sujets tabous et dérangeants c'est un peu sa came : de la pauvreté à l'extrême, des injustices sociales à la rage injustifiée envers son prochain, rien n'est laissé au hasard.
L'auteure a ce don pour trouver les mots justes pour secouer les codes sociaux : « Son père était de Longwy, fils de mineur, famille nombreuse, pauvre. Il était l'exemple type des réussites de la République, les années 70, l'éducation, la progression sociale, le mérite récompensé, et tutti quanti... Impossible pour lui de comprendre qu'elle ne veuille pas aller bosser, qu'elle ne croie pas en son monde. La génération à laquelle il appartenait croyait au progrès collectif, dépendant de l'effort produit. Ils avaient eu trente ans de bonheur. Elle avait quinze ans, elle savait déjà, comme beaucoup d'autres gosses de son âge, que ça ne serait pas pareil, que ça marcherait plus pour eux. Le punk rock était le premier constat de l'échec du monde d'après-guerre, dénonciation de son hypocrisie, de son incapacité à confronter ses vieux démons. »
Vous l'aurez donc compris, ce roman est plus une critique de l'époque qu'une histoire sentimentale.
Et pourtant, comment ne pas ressentir un déchirement au bas du ventre en lisant cet amour bafoué et gâché.
C'est la désillusion par excellence de l'éphémèrité des relations.
Parce-qu'elle pensait qu'avec lui tout serait différent. Elle ne dévoilera son moi profond qu'en sa présence et la confiance presque aveugle qu'elle place en lui ne fait qu'engendrer un sentiment d'addiction malsaine.
Impossible de rester indifférente à cette histoire.
Une fenêtre ouverte sur une douce nuit d'été, tranquille, j'écris ces quelques lignes l'estomac retourné.
Bien trop réaliste, ce roman n'est pas pour les personnes en recherche d'amour idyllique et pur.
Bonne lecture.