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Il y a tellement de choses à dire sur ce roman qui ne fait qu'à peine 300 pages. Mais quel roman ! Combien de mois, combien d'années, je n'ai pas vibré autant durant ma lecture. Je n'ai pas lu ce roman: je l'ai vécu. J'ai vu, j'ai senti, j'ai ressenti ...
La Provence, le pays des merveilles, où le soleil caresse la peau, le ciel plus bleu que la mer elle-même, les cigales qui chantent, les oliviers et les arbres fruitiers qui fleurissent et s'épanouissent. Le Mistral qui fait s'envoler un chapeau de paille.
C'est comme cela que les cartes postales nous montre ce pays. Mais la réalité est autre : le soleil brûle en été et le Mistral glace en hiver et au camp de Milles, c'est l'enfer pour ceux qui s'y voient conduits quelque soit la saison.
Ce lieu sera le théâtre bien réel de l'internement et de la déportation français de la zone Sud dite "libre". Mais la liberté n'est pas pour tous et en particuliers les expatriés de l'Est, les intellectuels, les artistes - Liberté de corps absente, Liberté d'esprit éternelle - Malgré l'enfermement et les privations, les hommes vont créer et laisser les traces de leur passage à travers des œuvres encore présentes aujourd'hui.
L'un d'eux sera Léo qui, comme beaucoup, va être interné au camp des Milles. Léo, si jeune et pourtant a vécu tant de choses. Léo va créer, va dessiner, va peindre le quotidien, les attitudes, les regards et les manies : tout ce qui se passe dans ce lieu reclus. Léo va subir le manque, rêver de liberté et va tout mettre en œuvre pour sortir de cet endroit.
Sur son chemin pour recouvrer la liberté, il rencontre Margot : coup de cœur, coup de foudre. Cette jeune femme aide les personnes comme lui pour trouver des visas tant convoités pour quitter ce pays qui devient fou. Mais Margot aide aussi les femmes qui ont quittés leur pays souvent retrouvées seules avec leur enfants où elles s'entassent dans des lieux imposés par le Gouvernement de Vichy. Elle essaye de donner un peu d'espoir et beaucoup de sourires.
Ensemble, Margot et Léo incarne l'espérance, l'altruisme et le don de soi. Ils donnent sans attendre en retour. C'est le plus beau couple que j'ai rencontré dans mes lectures. Un amour grandissant, un amour loyal, un amour vrai les unit.
On ne ressort pas indemne de ce genre de lecture car l'autrice ne touche pas à l'imaginaire mais au vrai, à la réalité, à l'Histoire : notre Histoire.
Un récit très dur, comme toujours sur cette période, qui au fur et à mesure que les yeux se posent sur les mots, les larmes se font sentir, elles montent incontrôlables, la vue se voile mais on se force à continuer pour savoir si Margot et Léo vont s'en sortir. Ariane Bois nous transmet leur peur, leur envie de vivre, leur amour qui transpire et tout comme les prisonniers qui les laissent tranquilles, nous aussi on a parfois envie de les laisser à leurs rares moments.
Chut ! Ecoutez, voyez la peine, la souffrance, la désillusion, la volonté de vivre. Ariane Bois nous fait ressentir ces mots. Il y a beaucoup de musicalité dans son écriture. Des phrases qui s'enchainent à un rythme effréné dans les moments de tensions ou au contraire plus fluide dans les passages de transition.
Je ne connaissais pas cette autrice mais je lirai volontiers Le gardien de nos frères ou Le monde d'Hannah pour découvrir à nouveau ces pans de l'Histoire méconnus et oubliés.