J’ai trouvé une copine, comme je les aime, drôle, triste, sensible, folle de littérature, vaguement borderline, une fille vivante à la larme facile et au rire joyeux. Elle s’appelle Deborah Levy, elle est née en Afrique du Sud en 1959. Son père, universitaire juif d’origine polonaise et militant anti-apartheid a été emprisonné pendant cinq ans. C’est long cinq ans, surtout quand on ne comprend rien à ce monde d’adultes plutôt étrange et cruel ! La gamine en perd la voix. Plus rien ne sort. Plus tard, bien plus tard, elle la retrouvera, en devenant écrivaine et elle racontera comment était la vie, là-bas, à Johannesburg en 1964 : ségrégation, tensions raciales, antisémitisme puis son exil en Angleterre où elle est une étrangère.
Et à chaque fois, on y EST parce qu’il y a une telle vivacité dans l’évocation de ces temps difficiles que l’on a sans cesse l’impression de voir, de sentir, de respirer à ses côtés. Elle retrouve intacte la magie de son enfance et elle nous communique de façon incroyable cette énergie qui est la sienne, son rapport sensuel au monde, la vérité de son expérience. Elle sait trouver le détail souvent drôle et terrible à la fois qui aura une folle puissance d’évocation : ici un perroquet, un bonhomme de neige, là une prise électrique. Une mosaïque d’instantanés qui surgissent à chaque phrase et qui jalonnent les moments charnières de son existence. Ça pulse, le rythme est soutenu, c’est une vie tourbillonnante, échevelée, fougueuse qui se traduit par des majuscules, des onomatopées, des points d’exclamation en grand nombre (tiens, ça me rappelle quelqu’un!!!)
D’autres voix sont convoquées : Virginia Woolf, Simone de Beauvoir, Marguerite Duras, des voix de femmes, d’amies, de proches, des voix d’autres copines avec lesquelles on vit, au quotidien. On ne les cite pas, non, on dialogue avec elles.
Deborah Levy ne veut pas savoir, elle n’est pas du côté de la connaissance mais plutôt de l’expérience, elle veut sentir, douter, changer de chemin, commettre des erreurs et recommencer. Tant pis si elle se plante, tant pis si elle a mal, après tout, la vie c’est se prendre des coups.
Il reste les escaliers roulants pour pleurer...
C’est une femme libre qui parle, une femme qui a su très vite que la littérature lui donnerait de la voix. « Parler haut, ce n’est pas parler plus fort, c’est se sentir autorisé à énoncer un désir. On hésite toujours quand on désire quelque chose. » écrit-elle.
Je garde ce livre, là, sous la main, en cas de besoin comme on dit. Il saura à coup sûr remplacer les vitamines de l’hiver !
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