Celle qui parle aux corbeaux est un roman foisonnant où Mélissa Lucashenko a mis beaucoup d’elle-même à travers le personnage de Kerry Salter. En effet, l’auteure, s’occupe d’une association d’aide aux détenues, et elle a pu opérer ainsi une incarnation juste de son personnage cash, « criminelle » devant retrouver un nouveau positionnement dans la vie. Du moment que Kerry retrouve sa famille à Durrongo ( endroit fictif créé par la romancière), elle renoue avec sa grande famille plutôt dysfonctionnelle ( frère violent et alcoolique, mère se cantonnant à la cuisine et au tarot divinatoire, neveu geek sensible et renfermé..). J’ai trouvé que ces personnages hauts en couleur prenaient véritablement trop de place à avec leurs travers répétitifs quotidiens (que Kerry scrute, blasée, même si son regard évolue tout au long du récit). De plus, ces personnalités noient deux éléments clés de l’intrigue: la menace que ce clan Salter se voit exproprié de ses terres suite à un projet véreux de prison mais aussi le retour inattendu d’un membre cette famille après dix-neuf ans d’absence ( pour des raisons bien dégueulasses). C’est là que le talent de conteuse de Melissa Lucashenko flanche car elle veut raconter trop de choses en même temps. C’est dommage car sa façon d’aborder la toujours difficile cohabitation entre Aborigènes et Blancs d’Australie est loin d’être caricaturale. Un personnage comme Black Superman ( frère de Kerry, homme de loi homosexuel cherchant la résilience de sa folle famille dans l’adoption de gamins déshérités) est aussi emblématique d’une communauté aborigène qui a su s’élever, s’adapter pour atteindre les plus hautes sphères de la société et c’est un peu le double littéraire de la romancière. Il y a aussi cette immersion plus poussée dans les rites aborigènes pour leurs semblables et la nature mais l’ensemble manque d’harmonie, d’équilibre. J’ai autant pu être saoulé par certains passages qu’emballé par des moments lumineux trop rares. L’épilogue de l’histoire se termine sur un happy-end aussi perché qu’incongru et je me suis dit qu’il n’aura pas fallu grand chose à Celle qui parle aux corbeaux pour être beaucoup plus remarquable.