Puisque j'avais sous la main une anthologie du théâtre de Feydeau, après avoir lu Tailleur pour dames, je me suis attaquée derechef à Chat en poche - une pièce que je ne connaissais, à vrai dire, même pas de nom. Bon, ça n'a pas été une révélation... Et je ne suis pas du tout certaine que j'aie beaucoup perdu me contenter de lire la pièce sans la voir.
Un argument très simple au départ, qu'on imagine efficace : Pacarel, un de ces riches bourgeois parisiens qui ont réussi dans les affaires, veut se lancer dans le mécénat artistique, et ce d'autant plus que sa fille a écrit, ou plutôt réécrit un opéra : Faust d'après Gounod. Outre que ce bon père de famille souhaite s'arroger les mérites de sa fille, il n'y connaît pas grand-chose en opéra. Selon son idée, il suffit de mettre de l'argent sur le tapis et d'engager un ténor célèbre pour convaincre l'Opéra de Paris pour faire jouer l’œuvre de sa fille, au grand enchantement de celle-ci, de sa femme, et d'un couple ami de la famille, les Landernau. Voilà donc notre Pacarel qui engage, via un télégramme à son ami Dufausset, un ténor de Bordeaux, "chat en poche" : vous l'aurez compris, il n'a jamais entendu chanter Dujeton, le ténor en question, et il ne sait même pas à quoi il ressemble. Là-dessus arrive chez Pacarel, par le plus grand des hasard, le fils de Dufausset, qu'on prend immédiatement pour Dujeton et que l'on accueille en grand pompe - et de façon complètement ridicule. Le quiproquo se prolonge sur trois actes, Dufausset fils/Dujeton ne comprenant pas pourquoi on cherche à tout prix à le faire chanter (au sens propre), et en profitant pour essayer de séduire la femme de Pacarel. Je passe sur les nombreuses méprises, évidemment propres au vaudeville, qui s'enchaîneront durant toute la pièce.
Autant l'idée d'un ténor qui chante faux peut facilement être drôle (et on imagine bien ce que cela peut donner sur scène), autant la caricature de cette bourgeoisie d'affaires naïve, peu cultivée et intéressée avant tout par l'argent tape juste, autant certaines scènes, comme celle de l'arrivée de Dufausset chez Pacarel, sont comiques par leur scénographie (que les didascalies permettent très bien de visualiser)... autant la pièce s'enlise dans une construction plus très bien maîtrisée au troisième acte et dans les gags les plus lourds - tel le quiproquo entre le duo Pacarel/Landernau et Duffausset fils, les deux premiers étant persuadés que ce dernier a été castré pour devenir chanteur à Rome. Non seulement c’est lourd et répétitif, mais ça ne tient pas très bien, Dufausset fils n'ayant pas une voix de castra... On ne comprend pas très bien non plus pourquoi la femme de Pacarel accorde un rendez-vous secret à Dufausset fils, qui ne l'intéresse pas plus que ça, si ce n'est parce que l'auteur tient à utiliser les ficelles habituelles du vaudeville.
Donc un très bon argument de départ, un critique efficace de la bourgeoisie, quelques moment vraiment drôles, une fin assez décevante - Feydeau ne s'est pas trop cassé la tête pour la dernière scène -, des histoires d'adultère qui fonctionnent plus ou moins, un comique parfois plus lourd que nécessaire, un acte III pas très bien conçu. Mais le pire, c'est que je crains bien que, mis en scène par une équipe peu exigeante, ça ne devienne une petite catastrophe (je pense à quelque chose dans le genre de La belle Hélène d'Offenbach, que j'avais vu dans une version basse qualité et carrément ennuyeuse). Bref, c'est dispensable, sinon pour connaître à fond l’œuvre de Feydeau.