Ceci n'est pas une salle de classe, c'est une arène.

Un jeune mec entre à la fac d'art. Impression qu'il débarque là, sans vraiment savoir ce qu'il va y faire. Ça plutôt qu'autre chose.
On sait pourquoi il y va, déjà

Citation:
"La perspective de m'inscrire en licence d'arts plastiques à l'université me séduisait car j'ai toujours détesté l'art, et mon petit doigt me disait que s'il y avait une école capable de traiter cette matière avec le mépris adéquat, c'était forcément un établissement public."

Ça c'est fait.
On l'imagine petit péteux cynique, mais ce sera vite fini, parce qu'il est un vrai bon petit gars, prêt à absorber toutes les informations, comme l'enfant qui vient de naître. Parce qu'il est fasciné par le savoir et l'aura que dégagent certains qui Savent. Notamment Himillsy Dodd, culottée, excentrique, autodidacte, flemmarde, opportuniste, impertinente, prétentieuse. Il va complètement tomber sous son charme, et la suivre partout comme un brave petit camarade. Buvant ses paroles. Mais il a aussi de la répartie le petit gars, et leurs échanges (critiques souvent) sont vraiment succulents de drôlerie.

Et puis le Hasard les conduisant à s'inscrire à un cours de graphisme, Machin va découvrir un monde où les mots et les images sont des messages, font symboles. Ne sont pas pour le Beau mais pour l'impact. Pour attirer l'attention. Tout ça enseigné par Sorbeck, genre de prof hargneux, qui n'hésite pas à humilier et à torturer ses élèves, les plonge dans des moments d'angoisse terribles, et leur donne une seconde vie lorsqu'il les félicite.
Prof Monstrueux. Une sorte de John Keating (Le prof du film Le cercle des poètes disparus) version 2.0. avec violence et colère plutôt que larmes et amabilité.
Évidemment, Himillsy le déteste (c'est qu'il ne la considère pas comme un petit génie).

Ce livre est très distrayant, et se lit tellement vite qu'on regretterait presque qu'il ne soit pas plus long. Il survole un peu tout : la psychologie des personnages, leurs intérêts, leurs désirs des uns pour les autres, il survole l'impact de l'apprentissage de cette discipline qu'est le graphisme sur le monde qui les entoure, il survole les relations compliquées institution-liberté d'expression. Il suggère beaucoup, énormément. Manque de talent à étoffer de l'auteur ou volonté de laisser le lecteur se faire sa propre histoire ? Je ne saurais bien dire, mais en tout cas, ça fonctionne tout de même. Parce qu'on a tous connus des Himillsy, des Sorbeck, des fascinations, des humiliations, des rages de réussir, le stress des soirées de révision ou de rédaction d'un projet, à ne pas dormir, l'alcool des soirées post-examens ou post-cours éprouvants.

Un livre qui ferait un chouette film.

Car même si ce n'est pas une histoire prodigieusement originale, elle Parle. Déjà, des choses qui font sourire ou qui sont intéressantes sur l'Art, le graphisme, le regard que l'on porte sur les choses, et comment on peut manipuler un discours, faire dériver un point de vue en en changeant un détail. Et l'écriture est assez concise pour devenir efficace, drôle, à s'accrocher à des détails qui donnent une image très concrète du petit monde que l'on découvre.
Ce qui est aussi assez fort, c'est qu'il y a de vrais drames qui se jouent, se nouent, s'emmêlent, se défont, se brisent. Des trucs lourds, et qui ont du sens. Et ces vrais moments tragiques sont traités également rapidement, avec concision, dans l'impact, pas de chichiteries, de longues descriptions ou de longs monologues d'états d'âmes. Le lecteur est attentif aux symboles. Et comprend sans même y réfléchir.
Dans le livre même, c'est comme si chaque personne était un logo. On le voit, il interpelle, on l'interprète, on le comprend, on le fait sien ou on le rejette, mais il ne laisse pas indifférent. Même si au prochain logo croisé, on l'aura probablement oublié.
Queenie
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le 30 oct. 2013

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