Un roman de fantasy young adult bien sympathique. Sans chercher à prétendre à révolutionner le genre, Betty Piccioli nous raconte surtout une histoire somme toute captivante. Si certains éléments de l’intrigue se sentent venir très tôt, si certains personnages se limitent à leurs archétypes sans vraiment en sortir ; ce qui rend cette histoire intéressante, c’est bien sûr le récit social qui est derrière. Comment cette citée de Chromatopia encapsule notre propre société et ses inégalités sociales, ou comment ses élites s’enferment dans leurs propres traditions séculaires sans chercher à les remettre en question. Le récit peut paraître linéaire, dans le sens où les arcs narratifs suivront un chemin bien tracé dès le départ et n’en dévieront que très peu, mais c’est bien le tissu social qui est au cœur du récit.
Notamment incarné par le trio de protagonistes qui, chacun à leur façon, nous donnera un aperçu de ce monde pas si différent du nôtre. Améthyste et Hacynthia apportent chacune un regard différent sur le pouvoir, les privilèges, les traditions (sous forme d’un effet miroir dont on devine assez vite la raison, mais qui reste bien efficace) ; tandis qu’Aequo, de par le mal qui l’affecte, devient au bout du compte une allégorie du message de l’autrice, de cette volonté d’égalité entre les différentes strates. D’ailleurs, la conclusion du récit sera plutôt intéressante, car si on arrive plus ou moins à l’utopie recherchée, on reste dans ces tons doux et amers au niveau des personnages, car tou-te-s ont dû payer un prix pour y parvenir. Peut-être un peu forcé sur certains détails, mais au final j’aime bien le message que véhicule Betty Piccioli.
Après, il y a certes des petites faiblesses ici et là. Comme je le disais, ça reste dans l’ensemble plutôt prévisible dans certains éléments d’intrigue, qu’on voit venir assez vite, avec des stéréotypes parfois un peu faciles (le personnage de Morgan, par exemple, alors qu’il avait un gros potentiel). Cela peut aussi amener à certaines incohérences (à moins que j’aie raté un détail), notamment concernant le secret du couple royal. L’alternance des chapitres/point de vue casse parfois le rythme de l’intrigue : même si on suit un ordre relativement chronologique, on revient parfois en arrière sur de longues périodes, ce qui fait parfois retomber la tension accumulée dans le chapitre précédent. On sent un découpage très cinématographique, mais peut-être du coup aurait-il mieux valu repenser le découpage du récit pour qu’il soit plus fluide.
En revanche, j’ai beaucoup apprécié la plume de Betty Piccioli ! En dehors du climax, où on sent qu’elle a été un peu rattraper par la densité d’action, le reste du livre se lit tout seul. C’est un style simple, efficace, mais qui parvient à donner à chaque personnage sa propre voix, que ce soit dans sa façon de s’exprimer, le vocabulaire employé, ou même les constructions des phrases, le cheminement de pensée. Sans même à lire le titre de chapitre pour savoir quel personnage on suit, on le devine dès les premières lignes. C’est un exercice difficile et l’autrice le réussit à merveille ! Et malgré ces voix, l’ensemble reste assez cohérent, très agréable à lire, et toujours aussi captivant.
Un roman très sympa donc ! Il ne réinvente peut-être pas la poudre, on y trouve des facilités narratives ; mais ça reste une lecture très plaisante. Ça peut-être un reproche, mais cette simplicité permet au bout du compte à Betty Piccioli de se concentrer sur son message social pour pouvoir nous en montrer tous les aspects. Une réussite donc !