Qui n’a jamais eu une petite pensée pour ces jeunes ou moins jeunes employés à casquette qui tiennent la boutique de nos stations d’autoroute préférées, qui encaissent à longueurs de journées les pleins et les plaintes d’automobilistes souvent fatigués et surtout pressés d’arriver sur leur lieu de vacances ?
Alexandre Labruffe a choisi de se mettre dans la peau d’un homme pompiste, travaillant dans une station-service de la banlieue parisienne qui s’invente (ou pas) des aventures plus ou moins extraordinaires pour tromper l’ennui de la banalité contemporaine, celle qui consiste à voir par passer jour et nuit une population très diversifiée venue acheter une canette, des chewing-gums, des sandwiches, des magazines…
Alors, pour que le temps passe un peu plus vite, notre pompiste, fan absolu de Mad Max, cultive sa cinéphilie en regardant des films sur son écran, ou en jouant aux dames avec un copain. Mais c’est aussi un redoutable observateur de ses contemporains et du monde en général, ne perdant jamais une occasion pour faire un trait d’esprit avec un brin de nostalgie mal placée « parfois je regrette l’époque dorée du super et je me dis que le sans-plomb est à l’essence ce que le préservait est au sexe, l’aspartame au sucre : un pis-aller, le symbole de nos sociétés castrées, d’un avenir sans microbes ».
Un pompiste pas comme les autres, plein de lucidité, de spiritualité et de causticité qui laisse aussi parler ses émotions et ses fantasmes comme avec ces mystérieuses personnes venant déposer à sa caisse des livres contenant des messages codés destinés à être récupérés par d’autres ; ou encore avec cette femme asiatique très belle, au fort pouvoir érotique, débarquant un jour dans la station-service et dont notre homme tombera vite amoureux, l’entraînant dans une relation à la fois burlesque et étrange.
Chroniques d’une station-service est un premier roman composé de chapitres souvent très cours où les phrases ressemblent parfois à des aphorismes ou à des citations d’Audiard « Quand quelqu’un prononce le mot sérieusement, il faut commencer à douter de tout ce qu’il dit. ».
Un roman étonnant, burlesque très original tant la forme autant que dans le fond, délicieusement absurde, porté par un personnage, drôle et linaire auquel on s’attache très vite. Avec son écriture alerte, donnant vie à de courtes séquences, l’auteur trouve le bon rythme pour évoquer la vie de cette station-service imaginaire, dans un livre qui se lira d’une traite ou presque.
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