Une belle plume pour un beau conte

Elantris était splendide, on l'appelait la cité des Dieux.
Le Shaod touchait au hasard, hommes, femmes ou enfants du monde connu. Ils devenaient alors des êtres quasi-immortels, utilisant la magie d'un simple mouvement de la main. Leur existence changeait et ces élus venaient s'installer à Elantris pour vivre une liberté éternelle.
Il y a 10 ans, cette éternité a pris fin.

Voici comment commence le roman de Brandon Sanderson. Le prologue fait une page et plante le décor. L’immersion est immédiate et l'écriture, fluide et agréable.
Elantris est une histoire en un tome. Cela fait du bien d’avoir un « one-shot » dans un paysage littéraire fantastique souvent dominé par les longs cycles.
(La critique correspond aux deux volumes)

Nous suivons trois personnages au fil des chapitres qui ont chacun une vision du monde.
Le prince Raoden d'Arelon, héritier du trône va devoir s'adapter à sa nouvelle vie grâce à son charisme et à son esprit. La princesse Sarène représente l'aspect politique. A travers ses yeux, nous comprenons les intrigues du continent. Et le gyorn Hrathen, un fanatique religieux, venu d'un empire aux grandes ambitions, va devoir prêcher la parole de son dieu.
Adaptation, aventure, politique et religion sont les pierres angulaires de ce roman.

On suit tour à tour les trois héros de notre histoire. On s'attache à eux, on comprend leurs forces et leurs faiblesses. On a trois clichées : le gentil, la princesse et le méchant, mais c’est efficace. Elantris est très bien décrite, on ressent sa splendeur passée. Le système de magie, les Aons, est une belle trouvaille avec une rune basique qui sert de support à la rune complexe finale.

Le rythme va crescendo. Le début, assez lent, présente un univers riche, bien décrit et surtout cohérent (pour un monde fantasy).
Cela permet une immersion complète. On avance dans l'histoire et on comprend la cité déchue d'Elantris et les arcanes du pouvoir.
Par contre, il y a quelques cassures dans le rythme, c’est dommage. Il y a des passages trop simples alors que d’autres mériteraient un développement. Il en ressort parfois un manque de profondeur ou un sentiment de monde un peu vide.
Puis le récit s'accélère jusqu'à la fameuse "Avalanche Brandon", terme que l’auteur a utilisé dans une interview et qui exprime tout à fait cette sensation. On a l’impression d’observer une roue à trois rayons (un par personnage) qui tourne de plus en plus vite jusqu’à voir apparaitre Elantris.
On sent un craquement, quelques pages avant la fin, qui mène au déferlement d’informations et d’actions jusqu’au dénouement.
Cette avalanche est une belle qualité mais également un défaut … c’est peut-être trop rapide.

Sanderson est un conteur, un bon. Sa plume est vive. Il nous raconte une histoire originale mais pas exceptionnelle. Nous sommes plus dans une atmosphère politique que magique ou fabuleuse. On effleure certains secrets du monde mais on aurait aimé avoir plus de réponse, plus de magie et comprendre ces zones d’ombres laissées par l’auteur pour une éventuelle suite.
Si ce dernier a fait le choix d'une histoire en un tome, autant aller jusqu’au bout, rajouter 50 pages et nous dévoiler les mystères de son univers. Il y aurait eu moins d’à-coups dans le rythme et l’accélération finale aurait été moins violente. Le lecteur y aurait trouvé un monde abouti. D’un autre coté, en laissant des mystères non résolus, chaque lecteur peut imaginer sa réponse.

Au final, que retenir d’Elantris : une plume vive, un univers original, une histoire bien contée et un bon moment de fantasy. On passe outre les défauts pour se laisser porter par le récit.
Après avoir posé nos yeux sur les derniers mots, notre esprit continue de vagabonder quelque temps pour imaginer un monde plus vaste … et on espère une suite.