Un immense gâchis...
J'ai détesté lire ce livre... Debord maîtrise l' art d'employer un mot pour un autre à un tel niveau, que l'on finit par ne plus savoir où il voulait en venir. Son propos y perd en clarté. On me...
le 2 juil. 2014
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En 1988, avec le concept de Spectaculaire Intégré et 20 ans après son analyse globale effectuée avec "La société du spectacle", Debord décrit avec une rare lucidité les nouvelles conditions de notre époque ou désormais le mensonge, la falsification, sont au cœur de la réalité sociale et des formes actuelles de la domination. Pour se donner une chance d'échapper et de pouvoir combattre cette aliénation mondialisée, encore faut il en reconnaître la nature et l'origine.
A ce jour, personne mieux que Debord n'a su en faire une description aussi exacte et aussi complète.
Quelques lecteurs, manquant quelque peu de distance, trouveront sans doute quelque exagération dans ce livre et ce en toute bonne foi puisqu'ils ne sont pas en mesure d'évaluer objectivement l'ampleur et le sens des transformations de la structure sociale dans son ensemble.
Il aura pourtant suffit d'une cinquantaine d'années pour que les notions de devenir humain ou de Monde commun perdent pratiquement toute saveur et tout contenu effectif; laissant chacun seul face aux lois du marché désormais mondialisé. Mais pour vivre quoi ?
Dans les différents jalons posés en ce livre, on reconnaitra ainsi quelques points cruciaux :
"Le changement qui a le plus d'importance, dans tout ce qui s'est passé depuis vingt ans, réside dans la continuité même du spectacle. Cette importance ne tient pas au perfectionnement de son instrumentation médiatique, qui avait déjà auparavant atteint un stade de développement très avancé : c'est tout simplement que la domination spectaculaire ait pu élever une génération pliée à ses lois. Les conditions extraordinairement neuves dans lesquelles cette génération, dans l'ensemble, a effectivement vécu, constituent un résumé exact et suffisant de tout ce que désormais le spectacle empêche; et aussi de tout ce qu'il permet."
Sur l'émergence du spectaculaire intégré, "En 1967, je distinguais deux formes, successives et rivales, du pouvoir spectaculaire, la concentrée et la diffuse. L'une et l'autre planaient au-dessus de la société réelle, comme son but et son mensonge. La première, mettant en avant l'idéologie résumée autour d'une personnalité dictatoriale, avait accompagné la contre-révolution totalitaire, la nazie aussi bien que la stalinienne. L'autre, incitant les salariés à opérer librement leur choix entre une grande variété de marchandises nouvelles qui s'affrontaient, avait représenté cette américanisation du monde, qui effrayait par quelques aspects, mais aussi bien séduisait les pays où avaient pu se maintenir plus longtemps les conditions des démocraties bourgeoises de type traditionnel. Une troisième forme s'est constituée depuis, par la combinaison des deux précédentes, et sur la base générale d'une victoire de celle qui s'était montrée la plus forte, la forme diffuse. Il s'agit du spectaculaire intégré, qui désormais tend à s'imposer mondialement."
Ou encore, avec ce retour sur la nature du spectateur en relation avec la passivité contemporaine : "Qui regarde toujours, pour savoir la suite, n'agira jamais : et tel doit bien être le spectateur. "
Et consécutivement, sur la relation directe entre l'histoire et la démocratie : "On croyait savoir que l'histoire était apparue, en Grèce, avec la démocratie. On peut vérifier qu'elle disparaît du monde avec elle. "
Additionnel mars 2022.
À la sortie de ces commentaires, il y a 34 ans déjà, beaucoup estimèrent ou trouvèrent plus commode d'estimer que Debord avait perdu la tête et s'égarait dans un malheureux complotisme, comme l'on dit aujourd'hui. Pourtant, chacun pourra désormais constater que les "révélations" que l'on peut trouver en ce livre, sur la nature particulière de notre néo-société et son évolution, se révèlent pour l'essentiel comme parfaitement véridiques. Ce n'est pas que Debord ait pu disposer d'un quelconque talent à la Nostradamus, c'est qu'il fit partie du nombre très restreint d'hommes qui connaissent effectivement leur monde et peuvent donc envisager lucidement vers quoi il se dirige.
Le maintien obstiné en une forme d'aveuglement étant certainement beaucoup plus confortable pour le plus grand nombre; à court terme.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Eléments d'une conscience critique, De la stratégie et de son usage, Contre la domination, Formes de la domination et du totalitarisme et Guy Debord
Créée
le 24 avr. 2012
Modifiée
le 11 déc. 2013
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