(Critique qui vaut pour les huit premiers tomes de la saga de Howard plus ou moins "remaniée" par Sprague de Camp, qui fut la seule version disponible de Conan jusqu'à récemment)
"Conan, il est débile !", "Conan, il sait pas articuler des mots de plus de deux syllabes sans se taper un mal de crâne", "Conan, il sait pas lire !", "Le barbare frappe d'abord et dit bonjour après !"... Voilà la manière dont le quidam moyen se représente, grosso modo, l'une des plus illustres créations pulp de tous les temps. Voici maintenant la vérité:
Conan sait parler, lire et écrire une demi-douzaine de langues différentes.
Conan a suivi les cours d'illustres philosophes et de prêtres avant de conclure que, en fin de compte, personne ne pouvait connaître le sens de la vie et qu'il était préférable de boire, manger, faire l'amour et se battre tant qu'on est en vie pour en profiter. C'est peut-être la meilleure philosophie que j'aie jamais lue.
Conan sait retenir ses coups, quand il le faut. Il peut même argumenter et mettre au point des stratégies.
Conan n'est ni un "gentil", ni un "méchant" dans le sens manichéen d'une certaine fantasy moderne. C'est avant tout un mercenaire, qui se bat pour le plus offrant. Parfois même, c'est un voleur ou un pirate. Par contre, il respecte la plupart du temps un code d'honneur personnel qui le fait agir plus noblement que la plupart des personnages civilisés qu'il rencontre sur son chemin.
Conan sait apprécier le luxe de la civilisation moderne, de temps en temps, pour se reposer et jouir de la vie mais, bien vite, il retourne dans le monde sauvage qui, partout, s'offre à lui, fait de jungles ténébreuses, de montagnes déchiquetées et d'antiques ruines peuplées de monstres, de morts-vivants, de sorciers et de trésors fabuleux.
Conan, c'est donc du rêve à l'état brut. Le souvenir d'un passé pulsant de vie qui observe la chute de l'homme moderne, corrompu, faible et pathétique. Conan, c'est un éclat de rire sans fin, entrecoupé de quelques longues réflexions nostalgiques. L'oeuvre de Howard est un classique de la littérature mondiale, alternant entre le "sympa sans plus" (quelques nouvelles alimentaires) et le chef d'oeuvre ("Les Clous Rouges", "La fille du géant de glace", etc.). Même le travail de Sprague de Camp, qui a un peu salopé le boulot d'Howard après sa mort en modifiant légèrement ses écrits pour en faire un cycle chronologique, ne réussit pas à ternir l'éclat sauvage de cette incroyable fantasy.
Préférez tout de même les rééditions Bragelonne en trois tomes qui permettent de lire pour la première fois l'oeuvre réelle d'Howard, sans les changements et les pastiches de Sprague de Camp et de Lin Carter...