Tout se passe au XVIIIe siècle (1750 - 1800), en Europe, entre Venise et Berlin en passant par La Bohême et Vienne. L’histoire est semée de personnages authentiques : Nicola Porpora, Joseph Haydn, Métastase, Voltaire et de multiples compositeurs et chanteurs.
Consuelo est une bohémienne d’origine espagnole, chanteuse lyrique. Son personnage est inspiré de Pauline Garcia Viardot (1821 - 1910), célèbre diva, amie de George Bizet et sœur de la chanteuse Maria Malibran (en ce moment on parle de ces 2 personnages sur France Culture).
Le roman et son univers de carton pâte fait penser au livret d’un opéra. Les deux premières parties (ou actes ?) ont leur unité de lieu, Venise tout d’abord puis le château des Rudolstadt en Bohême. La première partie raconte un amour de jeunesse sur fond musical où l’on passe de gondole en gondole. La seconde est consacrée à la confrontation de Consuelo avec Albert de Rudolstadt, l’héritier de la famille, personnage épique qui frôle la folie : on passe de la terrible Schreckenstein au pied d’un chêne séculaire aux souterrains du château.
La troisième partie est beaucoup plus “bougeon”. Elle nous entraîne à la rencontre de personnages dont les digressions évoquent Jacques le fataliste : le roi de Prusse (en visiteur incognito), Marie-Thérèse d’Autriche et l'aventurier Frédéric de Trenck faisant irruption dans la loge de Consuelo à Vienne (amoureux d'Anne Amélie, la soeur de Frédéric II de Prusse qui le jettera en prison - il sera guillotiné sous la terreur).
Au fur et à mesure que les intrigues s’enchaînent on ne peut que se demander comment George Sand a pu produire un tel monument de 900 pages avec autant de personnages. On sait qu’elle écrivait à raison de 14 heures par jour, trois mois à Nohan et trois mois à Paris tout en entretenant de multiples amitiés et passions épistolaires ou pas. Comment a-t-elle pu tenir le fil ?
Et finalement, a-t-elle pu tenir le fil de son roman ? Ne s’est-elle pas laissée porter par les circonstances et ses explorations personnelles ?
La suite de Consuelo, “La comtesse de Rudolstadt” apporte des éclaircissements sur le comportement des personnages.
La lecture de ce roman n’est pas si facile. Elle nécessite une attention de tous les instants. L’écriture arborescente s’émancipe de tout plan. Heureusement, George Sand n’en abuse pas trop, elle retient les chevaux et sauvegarde le fil de l’histoire.
Plusieurs fois, elle entre dans de longues analyses pour explorer des sentiments amoureux, sa conception de l’art, de la religion, de la morale, de l’honneur.
Plus que la sincérité de ses prétendants, Consuelo recherche sa propre vérité au plus profond d’elle-même. Elle s’interroge sans concession, elle veut respecter ses engagements comme ceux pris auprès de sa mère mourante. Sur les conseils de Porpora (son maître de musique), elle choisit de tout donner à la musique. Pure comme un cristal, joyeuse comme une enfant, elle est un personnage romantique où sa rigueur écrase toute fantaisie tout en attirant la sympathie de ceux (surtout les hommes) qu'elle rencontre. Sur le plan sexuel, sur le plan de la fidélité, elle est un personnage paradoxal, à l’opposé de la sensualité et de la versatilité (je suis sévère - Georges Sand était solaire mais elle avait de la constance dans ses pensées) de sa créatrice.
Consuelo doute de sa beauté comme le font certains hommes, parce qu’elle est une bohémienne. Elle est à l’image de ce roman un temps oublié qui mérite d’être lu avec le plus grand respect pour le plus grand des bonheurs.