J'ai lu, il y a longtemps, les contes fantastiques de Guy de Maupassant. J'en avais gardé au fond de la mémoire un souvenir léger comme un spectre mais obsédant comme un fantôme. Je les ai retrouvés avec un plaisir intact, décuplé sans doute par l'oeil différent que je porte à présent sur le monde. Maupassant est un orfèvre de la nouvelle, qu'elle soit fantastique ou pas d'ailleurs. Son style simple, précis comme un scalpel, découpe les angoisses, les noirceurs, les terreurs intérieurs de ses personnages qui nous ressemblent tant qu'on a le sentiment en le lisant d'être devant ce miroir que l'on a toujours fui. Le monde est absurde, dit-il, le monde est cruel, le monde est un mensonge dans lequel on s'englue chaque jour davantage. Terriblement actuels, ses sujets sont vous, moi, le voisin de la porte d'à côté, le familier que l'on côtoie chaque jour ou l'inconnu qui passe comme un éclair dans votre vie. Le danger est partout. Mais comme dans l'univers de Richard Matheson, autre nouvelliste magistral, le danger est surtout en nous-même. Et sans artifices, sans jeux de manches inutiles, sans outrances, Maupassant nous montre à quel point c'est ce danger-là qui est le plus terrifiant.