Contes de la rue Broca : Intégrale par Jonathan_Suissa
Je me souviens de... La rue Broca que j'ai été frappé de découvrir (la rue Mouffetard itou, mais bien plus tard) dans le prolongement de la rue de mes grands parents (la même depuis que je suis né). Bien évidemment, j'avais jusqu'alors nourri des fantasmes quand à cette rue, ses habitants et ses activités, épaté que j'étais par la perspective d'une rue « vivante » à Paris, où la Sorcière et d'autres personnalités épatantes puissent se permettre de parader à la vue de tous. Je ne sais pas trop ce qui s'est passé quand je l'ai découverte en vrai : soit j'ai compris qu'il s'agissait d'un imaginaire parallèle (une fiction parallèle, excroissante et virtuelle, comme l'est Roger Rabbit hors de Toonville), la protégeant de l'extinction, soit j'ai compris que Paris avait changé depuis que l'auteur avait écrit son livre. Mais selon Debord, comme il l'expliquait dans son film In girum..., le Paris populaire aux rue(lle)s vivantes a disparu à la fin des années 50, laissant place à des boulevards mortifères. Fin des années 50 et non pas des années 60 ou plus tard. La sorcière de la rue Mouffetard et autres histoires de la rue Broca serait donc un reliquat d'une époque déjà lointaine, peut-être datant de l'enfance de Pierre Gripari, ou alors plus probablement une tentative (virtuose, marquante pour l'enfant que j'étais) de ranimer le mythe d'un Paris fait de monstres sacrés, de personnages extravagants.
Je n'ai pas relu ce livre, sur lequel je suis retombé cette année. Et je crois que ce n'est pas juste pour ne pas être déçu de mon goût littéraire d'alors... mais davantage pour ne pas être confronté à ces histoires à dormir debout qui m'avaient tant excité mais dont je connais aujourd'hui le théâtre réel pour être une rue très calme, déserte. Je me rappelle alors que je demandais naïvement à mon père « elle existe la rue Broca ? » et que celui-ci me répondait « oui, bien sûr, c'est obligé, on n'invente pas les noms de lieux, c'est une règle »... Je me disais alors certainement que c'était là faire preuve d'un toupet incroyable, que l'on ne devrait pas avoir le droit... c'est ce que je me dis à ce moment là.
N'empêche, au fond de mon cœur, il existe une rue Broca et une rue Mouffetard où se passent des choses bouleversantes. Etsi ce n'est pas dans LA rue Broca et dans LA rue Mouffetard, c'est tant mieux, parce que de toute façon les mots « Gripari », « Sorcière », « Broca » et « Mouffetard » ne riment que dans mes souvenirs.