Un témoignage hors du commun
De même que les livres de Chalamov sur la déportation et les camps sous Staline (La Kolima), il faut lire ce très beau livre de Nadedja Mandelstam qui permet de se faire une idée assez claire de ce qu'était la vie quotidienne de la population russe à cette époque et surtout de ceux qui voulaient garder à tout prix une conscience. Sans haine et sans idéologie elle relate ici les conditions de sa vie avec le grand poète Ossip Mandelstam durant ces années, constate avec lucidité les comportements de ses contemporains mais n'oublie jamais les souffrances des autres pour les siennes propres. L'art de maintenir l'espoir au milieu du désespoir; grand livre.
"Autrefois les braves gens étaient nombreux. Et même ceux qui ne l'étaient pas faisaient semblant de l'être, car c'était l'usage. De là provenaient l'hypocrisie et la fausseté, ces grands vices du passé, dénoncés par le réalisme critique de la fin du XIXème siècle. Le résultat de cette dénonciation fut inattendu : les braves gens disparurent. La bonté n'est pas uniquement une qualité innée : il faut la cultiver, et on ne le fait que si la nécessité s'en fait sentir. Pour nous, la bonté était une qualité démodée, disparue, et un brave homme s'apparentait à la famille des mammouths.
(...) Il fallait chercher la bonté et la bonhommie dans des endroits perdus, inaccessibles à l'appel du temps. "