Le livre est une question à laquelle il se garde bien d'apporter une réponse. Les auteurs cyberpunk ont-ils été visionnaires à ce point que nombre de leurs prophéties se sont réalisées ou ceux-ci ont-ils tellement marqué l'imaginaire de leurs contemporains qu'ils ont méthodiquement fait en sorte que l’ère cyberpunk advienne ?
A l'aune de ce questionnement fondamental, Rumpala dresse le bilan, thème par thème, de ce qui est effectivement advenu et ce qui est resté dans les limbes spéculatives du genre. Leur plus grand raté est de n'avoir pas vu l'invasion du téléphone portable mais pour tout le reste on est à peu près dans les clous. L'hyper-capitalisme et ses sociétés plus puissantes que des états, internet et l’enchevêtrement de ses connexions, la technologie informatisée omniprésente et les villes-mondes de plus en plus peuplées et cosmopolites.
On pourrait aisément imaginer que les historiens du futur qualifient notre époque d'ère cyberpunk (en guise de postmodernité). Celle-ci débuterait avec l'effondrement du communisme (dernier rempart au capitalisme) et l'arrivée de l'internet domestique pour prendre son essor définitif avec l'avènement du macro-terrorisme et du haut-débit, le tout se jouant en à peine une décennie.
Cette ère cyberpunk peut durer cent ans ou plus en fonction des avancées technologiques et scientifiques qu'elle charriera, ces mêmes avancées qui, arrivées à un trop grand niveau d'amplitude, viendront mettre un terme à sa réalité. Dès lors, ma prédiction est que nous basculerons dans une ère nouvelle, que j’appellerais techno-médiéval, qui pour ses observateurs fera office de finalité eschatologique à l'image du jugement dernier.
Pour conclure, un très bel essai qui nous plonge dans les bras douillets de l'irrémédiable prise du cyberpunk. Pour un vieux rôliste comme moi, c'est toutes mes séances de Shadowrun qui se ravivent, qui furent comme une préparation à l'inéluctable, un entraînement à une certaine lucidité pour en demeurer en périphérie autant que faire se peut.
Les écrivains du mouvement cyberpunk, clôturant la nouvelle vague de la SF, ont fait preuve d'une grande sagacité divinatoire mais n'avaient-ils pas qu'à projeter de manière mécanique tout ce que le début des années 80 mettait à la disposition de leur prospective.
Alors non le cyberpunk n'est pas mort, il est même bien vivace.
Samuel d'Halescourt