Que dire de plus sur cette pièce qui n'ait été dit mille fois ? De tout le répertoire français, celle-ci est sans l'ombre d'un doute ma préférée. Nul ne saura jamais remplacer Cyrano dans mon coeur. J'admire tant cette pièce que je n'oserais guère en écrire une critique, si élogieuse soit-elle. Je dirais cependant que Cyrano n'explique pas selon moi à lui seul toute la puissance de cette pièce. L'énergie insatiable et joyeuse qui s'en dégage, son optimiste tient pour moi aussi à l'ensemble des personnages. Ce qui rend si unique, cette épopée théâtrale, ce sont tous ces personnages qui trouvent finalement en eux l'étincelle qui les poussera au sublime. Tous sont parcourus de faiblesses et tous pourtant finiront admirables ! Au fil de l'intrigue, les naïvetés, les faiblesses et les bassesses s'effacent. A cet optimisme infatigable s'accordent des idéaux exigeants.
En dire plus me semble à ce point superflu que je ne vois plus comme perspective qu'un humble hommage sincère et personnel. C'est donc ce que vous trouverez ici, une façon à moi de rendre hommage à chacun de ces personnages qui m'inspirent. Trois courts sonnets, un peu particuliers, comme vous le remarquerez.
Sonnet pendu la tête en bas par le chevalier De Bergerac
Le nez au ciel pendu comme un astre perdu,
La moustache assidue et la barbe tondue
Cyrano voulait en finir avec l'amour :
Roxane en savait trop, lui ne l'aimait pas moins,
Mais il avait le tarin bien trop mal-en-point
Pour se savoir l'espoir de la séduire un jour.
C'est ainsi qu'un matin l'innocent libertin,
Le cœur à découvert, s'en alla pour la guerre.
Mais en hiver, des rivaux il n'en avait guère,
Et n'avait pour butin qu'un bon vieux baratin :
Quelques vers de travers déversés à l'envers
Et des mots assassins, recueillis au lointain.
Puis comme il fallut bien affronter son destin,
Il revint par devers sa belle et son calvaire.
La complainte de Christian
Le sourire enjôleur et le geste charmeur,
Le courage à l'honneur et la bonté au cœur,
Christian n'avait pourtant que bien peu de manières.
S'il savait bien y faire à jouer les mousquetaires,
Caché sous ses grands airs et sa fière crinière,
Les élans de son cœur ne pouvaient que se taire.
C'est ainsi qu'à regret, le discret cavalier,
Qui Roxane adorait, dut se faire interprète
D'un amant affligé, pour qu'un verbe on lui prête ;
De ces deux estropiés, on fit de bons alliés.
Mais, las enfin, de se laisser conter fleurette,
Il voulut retrouver son éclat singulier
Et mourut à la guerre en terrain familier
En signant de son sang sa tendresse secrète.
Mémoires d'un Duc aux grandeurs oubliées
Comme il sied aux puissants de l'impétueuse France,
Il avait l'élégance teintée d'arrogance.
Duc et homme d'expérience, il s'arrogea
Les amours malvenues d'une enfant innocente.
Dupe et dindon, son orgueil froissé exigea
Des insolents une pénitence indécente.
Mais quand il vit l'audace des âmes bien nées,
Les braises de son cœur brûlèrent de noblesse,
Et l'épée à la main, il vainquit ses bassesses
Puis devint l'allié de ses rivaux passés.
De retour à la cour, où les fats entassés
A chacun de ses pas en courbettes s'abaissent,
Son sang bleu de nouveau déployait ses largesses
Fidèle-même à ses regrets entrelacés.