Lu en Mai 2020 9/10
Ô Cyrano, cher Gascon, immortel parmi les hommes, pièce culte parmi les pièces cultes.
J'ai été ravi de relire cette œuvre sur laquelle j'étais passé assez vite il y a quelques années. Je pense que j'avais aussi vu le film (ou du moins des extraits) et difficile de se détacher de l'image de Depardieu en Cyrano, faut bien dire que le rôle semble écrit pour lui.
A travers l'aventure de cet amoureux de l'ombre, génie transi par la laideur de sa face, je me suis régalé de la verve de Rostand qu'il confère à Cyrano mais aussi à bien d'autres personnages. Et c'est un tour de force que d'être capable d'écrire autant de personnages intéressants, tous ayant une personnalité bien définie et tous attachants à leur manière. Mais quelle diablerie cela doit être pour la mise en scène. C'est pourtant la pièce française la plus représentée par La Comédie mais ça me semble être un casse-tête à réaliser!
Rostand avait sans nul doute une idée précise de la façon dont il voulait représenter sa pièce sur les planches et l'histoire nous a prouvé qu'il a bien fait. Néanmoins, c'est pour moi l'élément dérangeant de la pièce, il y a trop de didascalie, l'imagination est trop dirigée et le rythme en pâtit. C'est peut-être l’œuvre théâtrale la plus magistrale sur scène mais pas sur papier. Dur de se faire emporter par les dialogues quand le narrateur nous souffle les émotions dans le nez.
Mais c'est un détail perdu entre traits d'esprit, poésie, philosophie, amour joli, drame chérie et comédie, tout y est ! Ça fourmille d'idées et de bonne volonté. C'est une œuvre accessible mais dure et réelle. Rien n'est laissé au hasard et chaque artifice sert le feu élégant qui se dégage des personnages. L'univers de Capes et d'épée appuie le comique et renforce l'action. Les joutes rhétoriques sont l'expression de l'esprit et de la poésie de l'auteur. Le cœur de l'histoire comme histoire d'amour sert le lyrisme et amène le tragique du dénouement (en plus de faire référence à Shakespeare). Le retour au XVIIe siècle permet de mettre en abyme la ferveur culturelle française et sa richesse.
C'est une œuvre d'une grande classe, connue de tous et heureusement, car ce serait manquer un grand moment de littérature et de théâtre.
« Oui, ma vie Ce fut d'être celui qui souffle – et qu'on oublie »
« Pendant que je restais en bas, dans l'ombre noir, D'autres montaient cueillir le baiser de la gloire »
« Ah non c'est un peu court jeune homme ! On pouvait dire bien des choses en somme... Agressif : Moi monsieur si j'avais un tel nez, Il faudrait que je l'amputasse ! Amical : Mais il doit tremper dans votre tasse ! Descriptif : C'est un roc ! C'est un pic ! C'est un cap !... Que dis-je, c'est un cap ? … C'est une péninsule ! »