Dépoussiérons.
Opter pour la critique d'un classique, c'est en soi très simple. Opter pour la critique d'une œuvre actuelle peut le sembler tout autant, par ailleurs. Mais opter pour celle de ce qui est jugé vieux ou dépassé, entre-deux...
J'ai néanmoins décidé de prendre le risque, d'éviter l'épanchement sur les beautés glaciales du Darcy de Jane Austen et de celui d'Helen Fielding, tous deux beaucoup trop... graou-miam. Bien que je me sente une âme de Bridget Jones en quête de perfection ces temps derniers, j'ai choisi de poser mon avis sur la laideur d'un faux héros et mes fesses sur le vieux sofa de maman pour vous conter l'histoire. Il était une fois... Non. Ça ne colle pas.

En fait, tout est une question de nez. Un nez trop long, trop laid, incitant à la moquerie -et aux jolies histoires. Un membre en forme de cap, de roc ou de péninsule (pas d'allusions ici, tout n'est question que de nez, ai-je dit). Le nez de Cyrano de Bergerac.
Je te vois d'ici, l'ami, fuir en des ailleurs ponctués de beauté, de romance, de plaisir, de ce qui attire. Trop ennuyeux ! Trop théâtral ! Trop dépassé ! Quelle idée.
Il s'agit pourtant de passer un léger coup de plumeau sur ce vieux bonhomme pas très beau, le débarrasser de ses grands airs arrogants et le mettre à nu. Enfin, façon de parler (voyons...).

"Je jette avec grâce mon feutre / Je fais lentement l'abandon / Du grand manteau qui me calfeutre..."

La véritable faille de Cyrano réside en sa laideur, qu'il comble en grand poète. Sa maîtrise des situations n'en est que plus parfaite et plus estimée : de bouche en bouche et par ouïe dire, son verbe est reconnu de tous. Y compris des plus puissants, qu'il apprécie ne pas apprécier.
Mais à couvert, le héros aime Roxane -sa cousine attirée par le Beau- qui aime Christian -un ami vraiment sot- qui aime... La complexité réside dans l'apparence des choses, la beauté du paraître, l'éloquence.
Ce livre pourrait ainsi être considéré comme simplement dépassé si son accroche n'était pas tant ancrée dans l'intemporel : aller contre ce qui semble et pour ce qui est. Se faire valoir autrement, en somme, pallier les lacunes.
Comme une certaine façon féminine de se maquiller l'œil avec soin pour éviter que le regard ne se porte sur toute autre partie du visage jugée un peu trop disgracieuse...

"Le Vicomte – Maraud, faquin, butor de pied plat ridicule !
Cyrano (ôtant son chapeau et saluant comme si le vicomte venait de se présenter.) – Ah ?... Et moi, Cyrano-Savinien-Hercule... de Bergerac."

Apprécier Cyrano, c'est également se laisser porter par la joute et sa façon de cracher les mots, admirer leur ordre et leur effet. Imaginer par la suite qu'à la moindre moquerie ou plus simple blessure, ce même don pourrait naître et nous faire crier fort, parler bien. Tirer juste. Car le héros se méfie tout autant de la censure que des convenances, hautes manies jugées largement hypocrites.

"Réfléchis, voyons. Il m'interdit / Le rêve d'être aimé même par une laide, / Ce nez qui d'un quart d'heure en tous lieux me précède : / Alors moi, j'aime qui ?... Mais cela va de soi ! / J'aime — mais c'est forcé ! — la plus belle qui soit !"

Enfin, ultime atout mais non des moindres : la romance perturbée de Cyrano et de Roxane, lutte partagée entre le joli mensonge et la laide vérité. Oser s'avouer à l'autre n'est encore aujourd'hui pas chose facile lorsque -encombrés par le complexe de se trouver « trop » ou « pas assez » – nous laissons entrevoir sans vraiment montrer. Question de fard, toujours.

Et si finalement, ce vieux livre n'était qu'une histoire de maquillage ? Tel un petit boîtier de blush, l'ouverture un peu poussiéreuse et le préjugé coloré trop foncé finirait par laisser place à une jolie trace qui pose confiance et assure le sourire. Ainsi rassurée, nous pouvons jou(t)er...

"Et à la fin de l'envoi, je touche."

Zinzoline
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le 15 août 2010

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Zinzoline

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