Les exemples d'adaptation graphique de Lovecraft ne manquent pas, puisqu'en une poignée d'années, nous aurons eu une adaptation en manga avec les Chefs D'œuvres de Lovecraft, dessinés de la main experte de Gou Tanabe, ainsi qu'une version grand format plus moderne avec François Baranger.
Vous l'aurez compris, l'univers développé par le Maître de Providence est une source intarissable d'adaptation diverses et variées, donnant toujours du grain à moudre à de nouveaux artistes émergents. Derrière les horreurs cosmiques, il y a le plaisir de l'exercice stylistique, et l'envie d'expérimenter.
Mais s'il y a bien un nouvel artiste à suivre de près, dont les adaptations graphiques revêtent ici un intérêt différent d'un Tanabe ou d'un Breccia, c'est bel et bien Armel Gaulme et ses Carnets de Lovecraft réalisés au fusain. Ici, le travail d'adaptation est presque anthropologique en prenant la forme de carnets de bord s'insérant à merveille dans le procédé narratif des écrits de Lovecraft. Il délaisse ainsi les illustrations de créatures au profit d'éléments trop souvent annexés dans les récits lovecraftiens : l'environnement, l'architecture... Bref, le canevas où s'y déposent toutes les horreurs sortis de l'esprit d'un seul homme.
Et quelle meilleure nouvelle pour démarrer cette collection que Dagon, écrite en 1917 ?
Cette nouvelle coche toutes les cases du récit Lovecraftien, tant dans l'endroit où elle se déroule que dans sa construction. Un marin s'échoue par hasard sur un immense îlot noir et vaseux, sorti des eaux profondes et ramenant avec lui des entités d'un autre temps, dont la menace annonce des temps sombres pour l'humanité...Des années avant Le Mythe de Cthulhu, Lovecraft érige déjà les fondations d'un panthéon de Dieux Anciens, en la personne de Dagon.
On ne peut que frémir quand chaque contact avec l'îlot noirâtre nous est décrit, ainsi qu'à l'idée que bien d'autres choses se terrent dans les eaux abyssales de notre monde...
Gaulme inaugure avec Dagon une série de croquis et crayonnés réalisés avec maîtrise. On sent, et ce dès la préface écrite par ses soins, qu'il a une profonde compréhension des écrits du Maître de Providence et qu'il lui tient à cœur d'interpréter au mieux leur aura indicible. Une foulée d'illustrations, tantôt océaniques, tantôt tribals...et nous voilà emporté sur cet étrange ilôt noir.