Dérives sur le Nil raconte l'histoire d'un fonctionnaire égyptien, Anis (joué par Emad Hamdi), qui ne tolère plus l'hypocrisie du gouvernement et l'analphabétisme des Égyptiens et décide de faire disparaître tous les problèmes du pays avec un simple narguilé: fumer le haschisch pour échapper à la réalité.
Anis rencontre par hasard un ancien voisin, Ragab (acteur Ahmed Ramzy). Ragab l'invite sur une embarcation sur le Nil. Anis y découvre vite qu'il n'est pas la seule personne à fumer le narguilé, mais avec lui des gens de l'élite, de la classe moyenne et de la classe populaire, tous sur le même bateau.
Ce qui est toujours aussi plaisant chez Naguib Mahfouz c'est sa capacité à incarner des visions sociales puissantes à travers chaque de ses personnages. Dérives sur le nil : ثرثرة فوق النيل, n'échappe pas à la règle. On y retrouve des archétypes des visions du monde qui s'affrontent à la fin de la présidence de Gamal Abd Al Nasser. Il y a l'occidentalisation vue comme une libération vs la religion comme un reliquat de la culture propre, la position de l'artiste et de l'intellectuel qui crée ou réfléchit vs la posture de plaisir pur et simple, le fonctionnaire qui obéit au système vs l'échappée qui vit dans le monde des idées .... et bien d'autres "objets d'étude". Mais la finesse ne Naguib Mahfouz réside moins dans la fresque en elle même, qui peut paraître somme toute classique. Son intelligence se voit dans l'auto-critique qu'il émet, les contradictions de ses propres personnages, qui trahissent sûrement les siennes, mais reflètent plus généralement le caractère profondément humain de ces visions faussement absolutistes. Samara et Anis sont les deux personnages les plus lucides sur la situation et ils se font eux mêmes prendre par le filet du Nil. Samara semble céder à la flatterie des artistes vers la fin du livre. Quant à Anis, il finit fou et seul. Une vision noire et délicieusement cynique de l'Egypte qui ne serait pas complète sans le fleuve qui coule sous les personnages en leur renvoyant leur image. Tout au long du film, il coule comme le temps qui creuse les sillons, mollement, lentement, insidieusement.