Dans ce carnet de voyage qui ne semble nullement romancé, le jeune Pierre Adrian nous plonge dans le quotidien d'un minuscule monastère d'une vallée pyrénéenne, tenu par un seul moine, le frère Pierre, et habité par ses comparses, gens un peu paumés qu'il a recueilli là. Adrian nous promène donc dans l'austère nature d'un décembre montagnard, où les journées sont courtes et les gens souvent frustes. Il veut nous faire sentir comme ces gens rudes ou cassés par la vie, ces âmes simples, sont belles et touchantes.
Alors c'est bien écrit : disons que c'est moderne. L'auteur aime faire des phrases de quatre mots fermé par un point, parce que c'est plus tranchant. C'est une méthode un peu lassante. Surtout quand l'auteur l'applique à des passages spécialement inintéressants, comme la traversée d'un tunnel, occasion d'impressions oniriques et philosophiques.
L'auteur nous livre de beaux passages sur la nature, l'homme face à la foi, à la joie, le dénuement. On a peine à croire qu'il soit agnostique comme il semble l'affirmer : "j'ai cherché Dieu, mais je ne l'ai pas trouvé", au vu des nombreux passages sur la charité, le don de soi, les paroles du Christ. En effet Adrian veut retrouver le Vrai dans toutes les situations humaines quotidiennes, banales. Il donne une dimension tragique à chaque geste.
Et c'est bien là où le bat blesse : à tout dramatiser, colorer d'une plume grave chaque circonstance de la vie ordinaire, Adrian tombe dans une lourdeur très nette, une pesanteur qui pose problème quand on prétend parler de la légereté de la grâce. On ne se marre vraiment pas avec Adrian. Tout lui semble grave. Cette incapacité à rire ressemble au défaut d'un adolescent qui se prend trop au sérieux.
Je cherche à savoir pourquoi ce quasi-réçit de conversion m'a ennuyé - moi-même qui partage la foi catholique. Adrian aime le style : il se regarde écrire. A nous caler une métaphore toutes les deux lignes, pour ne rien dire (ses "maisons violées" par la route) Adrian nous fatigue. Ensuite, sa foi manque de profondeur : aucune érudition n'y transparaît, chaque phrase d'évangile lui semble une nouveauté. Est-ce une tactique pour appâter le lecteur ? Une belle fraîcheur de l'âme ? Mais les charges fréquentes contre les financiers et traders - qui n'apparaissent pas une seule fois dans le livre - relèvent plutôt d'une naïveté digne du petit parisien altermondialiste bien nourri qui critique "le système" à tout propos. On ne sent pas une très grande connaissance de l'économie mondiale dans ce livre et un peu plus d'humilité serait séante : s'en tenir à son propos.
Un livre donc moyen, parfois touchant par les âmes simples côtoyées, mais parfois lourdingue dans sa pompe descriptive et sa vase philosophique.