Félicien Faury, sociologue, a enquêté en région Sud-PACA pendant plusieurs mois entre 2016 et 2022, auprès des électeurs du Rassemblement National qui fait là-bas ses meilleurs scores avec la région Hauts-de-France, mais pas pour les mêmes raisons. Dans le nord, c’est plutôt la pauvreté, le chômage, la perte de l’industrie qui amène ce vote. Dans le sud, les électeurs sont en majorité des gens installés, de la classe moyenne coincés entre les très riches qui ont préempté les plus beaux quartiers et les pauvres, souvent issus de l’immigration qui sont regroupés dans certains quartiers et qui, petit à petit, s’installent dans les quartiers de la classe moyenne. Celle-ci se sent "envahie".
Ils se disent non racistes, mais… -ce qui veut tout dire- rejettent néanmoins leur mal-être sur les "immigrés", surtout les Maghrébins, ceux qui, selon eux, profitent du système, ont droit à toutes les aides sans travailler, sur les "lapines [qui] pond[ent] tous les ans un gamin" pour toucher les allocations. Qui mettent leurs enfants à l’école publique, tirant celle-ci vers le bas, et obligeant "les blancs" à inscrire leurs enfants dans le privé.
L’enquête révèle que les thèses du RN, assénées, répétées avec force sont entrées dans la tête des électeurs, qui les répètent sans aucun fondement, puisqu’aucun d’eux ne fréquente de famille d’origine immigrée. Ils voient leurs villes changer, les commerces, ce café par exemple jusqu’ici un pilier du quartier que les habitués ont déserté dès lors que des Maghrébins y sont entrés. C’est une fuite en avant perpétuelle, pour ne pas se mêler, par peur, jalousie.
Aucun d’eux n’est capable de donner des mesures du programme du RN sauf celle qui consiste à renvoyer les immigrés, à limiter leurs droits. Beaucoup savent dire que le RN est un parti politique comme les autres et qu’une fois qu’il sera au pouvoir, il ne fera pas mieux "Il faut pas se leurrer, tu mets le Front National au pouvoir, tu crois qu’ils vont pas nous endoffer aussi ?" Néanmoins, leur vote ne change pas, basé sur la peur de l’autre et sur un racisme devenu banal, quotidien