Que les voleurs prospèrent...

Un sacré pavé comparé au premier tome. Et pour cause, il s'agit de deux livres en un, et c'est la critique la plus importante qu'on pourra adresser à ce roman. D'une part, il y a la suite de la série Gentlemen Bastards. Nos salauds, désormais réduit à un binôme à la vie à la mort suite aux événements tragiques du premier tome, se retrouvent dans un nouvel environnement. Une nouvelle ville bien juteuse à plumer, des combines et arnaques malicieuses et surtout un sacré bourbier politique dans lequel ils se trouvent empêtrés... une digne suite des événements du premier tome le tout en gardant un certain fil rouge du folklore de la saga (Locke prêtre du 13ème, les mages de Karthain, etc).

Tout ça commence bien, la sauce commence à monter, et puis changement complet de décor. Nous voilà désormais sur la mer, dans une histoire de piraterie, avec de la navigation, la vie d'un bateau pirate, une île repère de brigands, des combats maritimes intenses, des personnages haut en couleur. Et c'est tout bonnement excellent, encore davantage que la première partie. Le problème majeur étant que ces deux morceaux s'imbriquent mal, dans des tons et thématiques trop différents. Mais peu importe, quelle épopée pirate magistrale digne des plus belles aventures du genre, atteignant un climax ô combien intense dans un affrontement à la mort entre deux vaisseaux. C'est si prenant, la conclusion est intense en émotion, et le livre pourrait presque s'arrêter ainsi.

Mais non, il faut embrayer, passer à la suite, et la suite n'a désormais plus rien à voir avec les pirates, car il faut finir les intrigues politiques et magouilles de voleurs du début du tome. Le livre apparait presque schizophrène dans son changement d'intrigues.

Autre gimmick un peu agaçant, les plans soudains de Locke. A peine lui présente on une situation qu'il sort à un personnage tiers "j'ai une idée" immédiatement mise en application à la page suivante. Les idées sont bonnes, mais le procédé, répété à outrance, manque de subtilité.

Je suis un peu circonspect également sur le traitement de la ville de Salon Corbeau. On y passe un simple chapitre, le lieu est malsain à souhait, bourré d'idées, il heurte la sensibilité de notre héros. Cela mériterait bien davantage, mais non, deux livres en un étant déjà de trop, forcément nous ne reparlerons de Salon Corbeau que le temps d'une unique page vers la fin du livre.

Je fais la fine bouche mais le livre se lit avec grand plaisir, toujours porté par des aventures hautes en couleur, un style de narration réfléchi, et des dialogues fleuris à l'humour si réussi. Il n'hésite pas non plus à faire des choix radicaux, bien loin des poncifs du genre : point d'histoire d'amour heureuse, le méchant pervers à détroussé s'en sort et arnaque davantage nos héros que l'inverse, et un personnage principal qui termine son histoire en goûtant à une fiole au contenu fatidique.