Celui-là a été choisi pour sa notule. Est-ce que vous lisez les notules de vos libraires ? C'est l'une des raisons pour lesquelles je vais chez mon dealer, ils mettent plein de petits papiers partout et ce sont des rois du pitch. Là, par exemple, il y avait un truc du genre « ça parle d'un bordel dans un sous-marin sur la plage de Paimpol », et une lueur s'est allumée dans mon oeil. Mmmmh, ça a l'air déjanté, ton truc. Bon, j'aimerais bien qu'elles soient signées, ces notules, cela-dit, ça permettrait d'identifier la personne avec qui tu as le plus de goûts en commun, de repérer ses petits papiers et de se la jouer Petit Poucet perdu dans la grande forêt des tables. Enfin, tout ça pour dire que je n'ai vu que la notule, et que fondamentalement si j'avais vu l'illustration de couv', je n'aurais peut-être pas pris le roman. Non mais franchement Folio, ça vous prend souvent ce genre de folie ? On dirait une couv' Pocket SF pour un gros roman de fantasy qui tache ! Il y aurait une méchante reine qui asservirait son peuple, et une belle princesse qui se sacrifierait, par exemple genre par la noyade, mais qui découvrirait qu'en fait elle peut respirer sous l'eau, que ça lui vient de ses ancêtres qui étaient amphibies, et elle monterait une révolution en se servant du plancton comme messager, et il y aurait des messagers dévorés par des baleines qui ressortiraient de l'estomac des bestioles en les faisant éternuer, tout ça tout ça ...

Enfin, notre histoire de bordel breton est écrite comme un mémoire de fin d'études, j'ai eu l'impression de relire ma prose extraordinaire lors de l'introduction, « nous parlerons d'abord de ceci, puis de cela, de ça vu sous tel angle, puis sous tel autre... » et au final on a une étude clinique de cette maison close autogérée (entre les cowgirls et celui-ci, je dessine un nouvel angle de politique) faite par le jeune homme qui en tient le vestiaire. Entre biographies de prostituées et délires pseudo-savants, on passe tout de même un bon moment. Pour conserver cette illusion de lire des carnets, une préparation de mémoire, il y a des passages entiers rayés, ce qui m'a assez rapidement saoulée personnellement mais qui permet tout de même d'envisager le roman sous le roman, le texte qui aurait pu être mais qui n'a pas été, une narration beaucoup plus crue et parfois même dérangeante alors qu'au final Frédéric Ciriez reste dans une langue extrêmement neutre, pour ne pas dire convenue. Les inventions de narrations sont plutôt intéressantes, mais je n'ai pas eu le sentiment qu'il se soit lâché pour aller jusqu'au bout, et par moment j'ai entr'aperçu des portes entrouvertes vite fermées, alors que j'aurais adorée passer les seuils et les limites en compagnie de ce personnage smart et peu prolixe sur lui-même.

Voilà, je referme ce petit roman sans trop de passion, je ne suis pas totalement certaine qu'il ne succombera pas à un nettoyage poussé de la bibliothèque la prochaine fois que je n'aurai plus de place.
Ninaintherain
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le 27 mars 2012

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