La simplicité n'est pas l'ennemie du beau
"Of mice and men" ou comment écrire un chef d'oeuvre avec une histoire on ne peut plus simple, des mots et phrases simples, le tout en 160 pages environ. Comme quoi la grande littérature n'est pas forcément synonyme de gros pavé rempli d'une multitude de personnages à la psychologie complexe et d'envolée lyrique.
En effet, Steinbeck nous offre 3 jours de la vie d'un duo plutôt improbable composé de George "petit homme aigu" et de son protégé Lennie, "le doux colosse innocent aux mains dévastatrice" (Joseph Kessel) qui voyagent de fermes en fermes afin de gagner de quoi vivre et nourrissant le secret rêve de pouvoir mettre assez de côté afin de pouvoir s'acheter une modeste propriété et vivre de leur travail. On les retrouve, style huis clos, à leur arrivée au ranch de Mr Curley.
Là où Steinbeck est fort, c'est qu'il nous présente cette histoire d'un point de vue uniquement descriptif. On à l'impression qu'il est, comme son lecteur, extérieur à l'action et qu'il constate tel un simple témoin. Les actes des personnages (seulement 7 ou 8 protagonistes) sont exposés tels quels, sans aucune forme de jugement et à aucun moment on ne rentre dans la tête des personnages et ne connaissons leurs pensées. Des faits, uniquement des faits. L'ouvrage est d'ailleurs constitué en majeure partie de dialogues à priori banals.
Et pourtant la magie opère, et l'émotion de cette magnifique et tragique histoire d'amitié affleure intensément jusqu'au lecteur. Du grand grand roman américain. Un témoignage sur une certaine période du mythe américain. A lire absolument.
"Ce livre est bref. Mais son pouvoir est long. Ce livre est écrit avec rudesse et, souvent, grossièreté. Mais il est tout nourri de pudeur et d'amour." (Joseph Kessel)