Se trouver dans l'exil
Kimiâ, narratrice de ce roman, est une iranienne immigrée en France. Partie à dix ans de son pays d'origine, elle s'installe à Paris avec sa famille pour démarrer une nouvelle vie, loin de la...
Par
le 23 août 2016
6 j'aime
2
"Désorientale" de Négar DJAVADI est, à plus d'un égard, un livre déroutant mais envoûtant !
L'auteure, née dans une famille d'intellectuels opposants au Shah puis à Khomeny sait de quoi elle parle. Arrivée en France, dans la clandestinité, elle est du monde sans trop bien savoir de quels pays.
L'Iran, celui dont lui parle les européens, elle ne le reconnait pas. Son Iran, c'est celui qui est encore marqué de la Perse, avec sa culture, sa richesse intellectuelle, son pragmatisme quotidien et ses coutumes ancestrales qui sont parfois incompréhensibles pour les occidentaux que nous sommes sans, pour autant, être dénudées de sagesse, en tous cas de racines. Cet Iran qu'elle a connu enfant et qu'elle a vu se perdre dans plus d'une décennie de guerres, de révolutions, d'espérances, de désillusions et de promesses non tenues, elle ne le reconnaît pas plus comme le sien. Elle fera même tout pour le perdre, le chasser de son esprit. Elle doit refaire sa vie!
Mais aujourd'hui, elle est en France. Elle attend une consultation gynécologique dans un centre d'insémination, avec ses rêves mais aussi le regard des autres qui pèse sur elle, elle qui est seule, non accompagnée d'un homme, son homme! Elle plonge en elle-même et relit sa vie, celle de trois générations de Sadr qui, quoi qu'elle en dise, le veuille ou pas, ont fait d'elle ce qu'elle est. Par éducation ancestrale, par ouverture intellectuelle ou par opposition à son milieu d'origine, Kimiâ n'est plus une enfant. Elle est devenue femme, femme en âge d'enfanter. Mais peut-elle l'être en restant iranienne?
Négar DJAVADI nous brosse une magnifique toile de ce passage de la Perse à l'Iran, de l'Iran des intellectuels à celui des talibans. Un Iran qu'on résume à Téhéran et qu'on croit, un peu vite, déjà connaître. Et l'écart est grand, le choc puissant. Il y a de quoi est désorienté et pour les migrantes comme elles, il y a un travail de désorientalisation à poursuivre. Pour vivre chez nous, la femme doit devenir une 'désorientale' ! Est-ce juste? ... On peut échanger sur ce sujet mais, peu importe, l'essentiel de ce livre est de nous ouvrir à la réflexion, nous ouvrir à l'autre et tâcher de le comprendre ... J'ai beaucoup aimé ce livre. A partager, sans retenue!
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Mes coups de coeur et 2016 TOP 10 des livres lus
Créée
le 13 oct. 2016
Critique lue 1.8K fois
9 j'aime
3 commentaires
D'autres avis sur Désorientale
Kimiâ, narratrice de ce roman, est une iranienne immigrée en France. Partie à dix ans de son pays d'origine, elle s'installe à Paris avec sa famille pour démarrer une nouvelle vie, loin de la...
Par
le 23 août 2016
6 j'aime
2
Un joli titre qui résume entièrement le parcours complexe et subtil de Kimiâ, une jeune iranienne réfugiée politique en France à l'âge de 10 ans en 1981.Ses souvenirs, l'histoire familiale , sa...
Par
le 23 févr. 2017
2 j'aime
« Tout ce que je sais c’est que ces pages ne seront pas linéaires. Raconter le présent exige que je remonte loin dans le passé, que je traverse les frontières, survole les montagnes et rejoigne ce...
Par
le 3 oct. 2016
1 j'aime
Du même critique
La chevauchée tragique de la Mort qui pousse à vivre. La Mort qui s’approche, s’accroche, fait peur, étouffe, éloigne, rapproche. La Mort qui force Charlotte Salomon, juive allemande, à devenir sa...
le 20 nov. 2014
18 j'aime
4
À travers « L’AMOUR ET LES FORÊTS », paru chez Gallimard en 2014, je découvre l’auteur Éric REINHART. Belle découverte ! Bénédicte Ombredanne est une lectrice de cet auteur. Ayant apprécié son...
le 27 févr. 2015
17 j'aime
4
« L’art de perdre » écrit par Alice ZENITER est la troublante histoire du silence de deux nations conduisant à la perte de paroles, donc de mémoire, de trois générations, celles d’Ali, Hamid et...
le 7 nov. 2017
14 j'aime