Destinée arbitraire est un recueil poétique posthume publié en 1975. Il regroupe 3 recueils publiés par Desnos, en petit tirage ainsi que des poèmes inédits légués par la femme du poète, Youki, à la bibliothèque littéraire jacques Doucet, en 1967.

Destinée arbitraire est donc réparti en trois sections correspondant à trois tranches chronologiques :
- 1) poèmes de 1919 à 1926 /
- 2) poèmes entre 1930 et 1939 (à l’intention de Youki)
- 3) poèmes entre 1943 et 1944 soit un an avant sa mort.

Les poèmes de ce recueil se veulent différents dans la forme (tantôt en prose, tantôt en vers rigoureusement travaillés) ainsi que dans les thèmes abordés, relevant d’une poésie éclectique et évolutive.

On y retrouve en thématiques principales, le lien entre l’amour et la mort, une célébration surréaliste de la faune et de la flore (ménagerie de Tristan) et, au dela de tout ça, une intarissable soif de liberté qui transparaît par la politisation de certains de ces poèmes.

J’ai beaucoup apprécié cet ouvrage grâce à de nombreux éléments :

  • Tout d’abord, la dimension surréaliste et onirique qui habite le recueil.

Déjà grâce aux titres de certains textes assez évocateurs : « demi-rêve », « nuits », « le rêve dans une cave ». Cela renvoie aux séances expérimentales d’écriture automatique dans un état de somnolence que Desnos pratiquait avec le « pape du surréalisme », André Breton. Dans ces poèmes on trouve des séquences d’écriture totalement surprenante qui ont pour effet de renforcer l’esthétique de la surprise déjà à l’œuvre dans le recueil.
Il ironise également sur toutes sortes de situations jusqu’à rire de la mort : « Si j’aime les trains, c’est sans doute parce qu’ils vont plus vite que les enterrements ». Cette phrase m’a tout particulièrement marqué car elle représente parfaitement la poésie de Desnos : un éloge de la modernité à travers son amour pour les trains et plus généralement le mouvement, le voyage, qui est une envie et un besoin moderne. Cette phrase montre aussi, à travers une image frappante, la volonté de vivre qui émane du poète. Il veut s’enfuir, s’échapper de ce que l’on ne peut saisir : en outre, il utilise le voyage comme contrepied de la mort.

  • Parfaite transition vers les autres thèmes de sa poésie : la nature, l’exotisme et le lyrisme.
    • Desnos exalte une poésie lyrique qui passe d’une part par l’évocation de son amour pour sa femme Youki, d’autre part par de nombreux éléments provenant de souvenirs de divers voyages qu’il a pu effectuer. Le plus marquant d’entre eux fut sûrement Cuba, en 1928, dont il tira un poème sans nom dans lequel il fait référence au tango, découvert là-bas.
    • De nombreuses autres références aux voyages sont présentes dans le recueil : le poème « A la Hollande » dans lequel il compare la Chine, qualifiée paradoxalement de « minuscule », à Amsterdam apparaissant ici comme le centre de la culture et de l’exotisme.
    • Le désir de liberté du poète transparaît à travers l’évocation d’une multiplicité d’espaces clos comme les caves ou des « chambres vides ». Ou de manière plus explicite, dans une phrase du poème « tour de la tombe » : « La France est un nid de guêpe, l’Europe un champ pourri et le monde, une presqu’île de ma conscience ». Dans ce vers, Desnos ne montre pas seulement son besoin de s’évader mais invoque aussi un enjeu surréaliste : la grandeur de la conscience humaine (peinture métaphysique de Georgio De Chirico ou encore l’Éléphant Célèbes de Max Ernst).
    • Dans certains poèmes, principalement dans la troisième section du recueil il aborde ses engagements politiques, en tant que socialiste et résistant, Desnos prône l’antifascisme. À la manière de Picasso qui peint Guernica en 1937, il décrit la triste situation espagnole, en proie à la montée du Franquisme dans le poème « feu ». Dans Le veilleur du Pont au Change, il rend hommage aux résistants du monde entier.
  • • En effet, le Temps prend une place importante dans le recueil. L’enjeu Baudelairien est ici lié à la ronde des générations, Desnos nous le montre dans de nombreux poèmes, notamment dans « bonjour bonsoir » dans lequel il écrit : « de granit ou de marbre, votre âge paraitra et l’ombre des grands arbres sur vos tombeaux se promènera ».
    • Le poète a peur de la solitude, et veut plus que tout aimer et être aimé, c’est pourquoi il a peur de la mort de ceux qu’il aime, ainsi que de sa propre mort. Pour pallier cela, il décide donc de s’échapper par le rêve et le voyage tout en gardant une vitalité hors du commun.
    Je finirais donc sur ce vers : « je ne veux pas mourir, de mon sang je suis ivre »
Martin_cch
8
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le 16 avr. 2021

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Martin_cch

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Critique de Destinée arbitraire par Dame Céline

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